• Les Musiciens et la Grande Guerre
    Dans les services de santé
    Œuvres de Roger-Ducasse, Jean Huré, Jacques Ibert, Charles Koechlin, Jacques de La Presle, Maurice Ravel, Albert Roussel et Déodat de Séverac. Amaury Breyne (piano)

Pochette du CD 23 de la collection « Les Musiciens et la Grande Guerre ». | WW1 MUSIC/EDITIONS HORTUS

Planqués, les compositeurs à l’écart des tranchées ? Sûrement pas. Interdits de champ de bataille pour cause de grand âge ou de santé précaire, beaucoup servent dans les hôpitaux sans rompre avec l’écriture. En témoigne ce magnifique programme (volume 23 d’une collection qui sait renouveler ses angles d’attaque), où voisinent pièces brèves et morceaux d’envergure. Le Vent dans les ruines de Jacques Ibert (fièvre schumannienne mais rétablissement bien français) et la Petite Berceuse, de Jacques de La Presle (délicate parenthèse pour célébrer une naissance à quelques mois de l’armistice) illustrent la première tendance. La seconde est dominée par les stupéfiantes Variations sur un choral, de Roger-Ducasse. Monument aux morts, à n’en pas douter, mais aussi à la vitalité de l’esprit créatif. Comme l’intégralité du CD, cette page doit beaucoup à l’engagement du pianiste Amaury Breyne, mobilisé dans tous les sens du terme. Pierre Gervasoni

1 CD WW1-Editions Hortus.

  • Vintage Orchestra
    Smack Dab in the Middle

Pochette de l’album « Smack Dab in the Middle », du Vintage Orchestra. | GAYA MUSIC/SOCADISC

Décidément, le printemps 2017 est favorable au big band. Juste après la parution d’un disque du Gil Evans Paris Workshop qui, sous la direction de Laurent Cugny, fait revivre l’univers musical de Gil Evans, voici celui du Vintage Orchestra, dédié depuis sa création au début des années 2000 à la musique de l’orchestre du trompettiste Thad Jones (1923-1986) avec le batteur Mel Lewis (1929-1990). Dans ce Smack Dab in the Middle, le programme puise dans une partie des enregistrements réalisés pour la compagnie phonographique Solid State avec les chanteurs Joe Williams en 1966 et Ruth Brown en 1968. Tout aussi exact, dynamique et débordant de swing que son modèle, le Vintage Orchestra, conduit par le saxophoniste Dominique Mandin, se révèle un écrin idéal pour les deux voix qui font revivre ce répertoire, celles de Denise King et de Walter Ricci, très habile dans le chant en scat. Un bonheur de jazz, dans son ancrage blues, classique, intemporel. Sylvain Siclier

1 CD Gaya Music/Socadisc.

  • Real Estate
    In Mind

Pochette de l’album « In Mind », de Real Estate. | Domino Recordings

Le rock du New Jersey ne se réduit pas aux hymnes rédempteurs de Bruce Springsteen et boursouflés de Bon Jovi. Le « Garden State » fut aussi, au début des années 1980, le jardin des Feelies, entité post-punk et culte, reformée en 2008. Ce qui n’a pas empêché Real Estate, d’autres « Jersey Boys » qui sont leurs héritiers directs et revendiqués, de livrer un premier album en 2009. Le quatrième, In Mind, creuse toujours et encore le même sillon, le départ du guitariste et membre fondateur Matt Mondanile – remplacé par Julian Lynch – n’ayant rien changé à l’affaire. Avec pour objectif de renouer avec les grandes heures de la « jangle pop », ce courant des années 1980, informel et sans frontières, qui avait adopté les Byrds comme modèle d’écriture : primat à la mélodie et aux harmonies vocales, guitares arpégées et carillonnantes. Dès Darling, impeccable single mutant, tout en entrelacs de guitares et variations rythmiques, le charme opère. Real Estate manie savamment les contrastes : à la voix éthérée de Martin Courtney, à la batterie caoutchouteuse et aux synthés vaporeux s’opposent des six-cordes cinglantes comme savaient l’être celles de Johnny Marr (The Smiths) et des perturbations psychédéliques (le crescendo de Two Arrows). Avec un son propret rappelant les Go-Betweens australiens, Real Estate feint la candeur pour mieux déstabiliser et séduire l’auditeur. Bruno Lesprit

1 CD Domino/Sony Music.

  • Karen Elson
    Double Roses

Pochette de l’album « Double Roses », de Karen Elson. | 1965 RECORDS/PIAS

Familière des « beautiful people » des milieux de la mode, la chanteuse et mannequin anglaise Karen Elson côtoie aussi ceux de la musique. Après un premier album, The Ghost Who Walks (2010), produit par son mari d’alors, le boss du rock garage américain, Jack White, la longiligne rousse a confié ses nouvelles chansons au producteur et guitariste Jonathan Wilson, entourée d’invités tels Father John Misty, Laura Marling ou Pat Carney (The Black Keys). Si ses débuts étaient marqués par les obsessions vintage et « nashvilliennes » de son ex-époux, Double Roses rayonne des langueurs californiennes chères à un Wilson imprégné de l’héritage folk mélancolique de l’école Laurel Canyon. Orchestrées avec d’amples arrangements de cordes, guitares et claviers délicats collent à merveille aux élans romantiques de la chanteuse et à un vague à l’âme « post-divorce » générant de superbes chansons (Wonder Blind, Call Your Name, A Million Stars…). Stéphane Davet

1 CD 1965 Records/PIAS.

  • Vicente Amigo
    Memoria de los Sentidos

Pochette de l’album « Memoria de los Sentidos », de Vicente Amigo. | SONY MUSIC

Il n’a plus rien à prouver mais, à grands traits de virtuosité, il continue de mettre les points sur les i. Sa guitare chante et rêve, halète et respire, elle sait aussi écouter, complice irréprochable du cante. Sur ce huitième album studio, pour lequel il est accompagné de Paquito Gonzalez (percussions), Ewen Vernal (basse et contrebasse), El Rubio (palmas), Vicente Amigo a convoqué un « all stars » du chant flamenco. Après les tentations, pas toujours heureuses, de digressions et de fusion (Dire Straits et le groupe écossais Capercaillie sur Tierra, l’album précédent), le guitariste revient aux fondamentaux du genre. On se souvient alors qu’à 20 ans et des poussières, il accompagnait le maestro de la guitare Manolo Sanlucar et le cantaor El Pele, un des nombreux invités présents ici. A Paco de Lucia est dédié un singulier Requiem. Patrick Labesse

1 CD Sony Music.