Documentaire dimanche 16 avril sur France 5 à 22 h 35

Les Intellectuels du XXIème siècle
Durée : 00:34

Le sourire moqueur de l’écrivain Patrick Chamoiseau, l’angoisse sourde du sociologue Luc Boltanski, l’épatante lumière de la romancière et essayiste Virginie Despentes… Ils sont dix penseurs ou écrivains à se colleter avec la difficile notion d’« identité » et à ouvrir ainsi une nouvelle col­lection proposée par France 5 ­sobrement intitulée Les Intellectuels du XXIe siècle. Un titre qui vaut en réalité manifeste – tant ­afficher une défense de la pensée et des idées à la télévision relève toujours du combat (d’avant-garde, on l’espère).

Les numéros de cette série documentaire s’égrèneront dans les mois à venir. Outre les déjà cités, ce premier film donne la parole – et surtout du temps de parole – à des philosophes (Vincent Descombes, Sandra Laugier), des sociologues (Didier Fassin), des écrivains (Pascal Quignard, Olivier Cadiot, Mathias Enard), un historien (Patrick Boucheron). « L’idée était de construire un film choral, explique Sylvain Bourmeau, son auteur et réalisateur, même si le débat d’idées est essentiel dans une démocratie, la forme du film est une réponse à la mise en confrontation systématique, aux “pif-paf” et aux “clashs” des chaînes d’information. »

Mathias Enard | Les films d ici

Le journaliste, producteur à France Culture et professeur associé à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, a opté pour des entretiens au long cours, enregistrant parfois entre une heure et deux heures avec chacun des intellectuels. Idée neuve : ce travail préalable ne disparaîtra pas avec le produit fini et monté. Les entretiens bruts seront disponibles, à la rentrée, sur la plate-forme de France Télévisions, comme autant d’« archives contemporaines ».

Aspirations ou inconforts

A quoi reconnaît-on une pensée ? Peut-être au fait qu’elle poursuit son fil, dans la fluidité d’une parole ou les tâtonnements du verbe, parfois scrupuleuse, toujours résolue. Diffusé une semaine jour pour jour avant le premier tour de l’élection présidentielle, le film rappelle la complexité de la notion d’identité alors que l’actuelle campagne électorale en charrie des versions monolithiques ou simplistes, voire menaçantes. Pour se laisser convaincre que l’« identité » échappe dès qu’on essaie de la saisir, il suffit de constater l’embarras avec lequel chacun des intellectuels entreprend de répondre à la question de sa propre identité. Didier Fassin fait, à ce propos, une distinction bien utile : il y a ce que l’on est à ses propres yeux et ce qu’on est aux yeux des autres, les deux ne concordant pas nécessairement. Chez Pascal Quignard pointe une once de révolte : « Lorsque je passe une frontière et qu’il faut remplir une petite fiche, même là je triche, je mets “musicien”, je ne supporte pas l’idée d’identité. »

Olivier Cadiot | Les films d ici

Seule la peur, comme le rappelle Mathias Enard, peut nous pousser à croire simple l’idée d’identité. Le film brasse large (identité personnelle, nationale, européenne…) et dit beaucoup dans le simple lot de ces récurrences : les mots « individu », « groupes », « arrachement », « paradoxes », « potentialités », « violence », « crise »… viennent pointer nos aspirations ou nos inconforts à définir, et surtout à être définis, comme tel ou tel. On en tient pour preuve ce propos liminaire mais qui aurait bien pu être conclusif du socio­logue Luc Boltanski : « C’est un mot qui est, avant tout, une question. Et une question d’habitude associée à une menace. » Le premier bon réflexe serait de se demander : au fond, qui parle d’identité – et quand ?

En avant première, « Le Monde » vous propose de voir le premier volet des Intellectuels du XXIe siècle.

Les Intellectuels du XXIsiècle – Penser l’identité, de Sylvain Bourmeau (Fr., 2017, 60 min).