Lors d’une élection, la position de favori n’est pas toujours la plus confortable, a fortiori dans la dernière ligne droite de la campagne. Soyez offensifs… et vous risquez de brusquer les indécis ou ceux de vos partisans qui ne sont pas encore certains de leur vote. Soyez sur la défensive… et vous avez des chances de perdre la dynamique qui vous portait jusque-là, au risque de voir un adversaire plus allant vous coiffer sur le poteau.

Confronté à ce dilemme et alors qu’il fait du yo-yo en tête des sondages, Emmanuel Macron a choisi de rassembler plutôt que de cliver pour se qualifier dimanche prochain au second tour de l’élection présidentielle. Pas question de se droitiser ou de se gauchiser, comme le réclament pourtant certains élus, qui s’inquiètent de l’essoufflement de la campagne. « Ce qu’il faut, c’est rester sur la ligne de crête, c’est l’ADN du mouvement », justifie Benjamin Griveaux, porte-parole d’En marche !.

Positions d’équilibriste

Lors de son dernier grand meeting de campagne, qui s’est tenu à l’AccorHotels Arena (ex-Palais omnisport Paris Bercy) de Paris, lundi 17 avril, M. Macron a expliqué qu’il voulait prendre « le meilleur de la gauche, le meilleur de la droite et même le meilleur du centre » pour « transformer » le pays. Dans six jours, « la France a rendez-vous avec ce qu’elle a de meilleur en elle, a-t-il affirmé. La confiance contre la défiance, l’unité contre la division, la lucidité contre les chimères, la générosité contre la cupidité, l’espoir et le courage contre la résignation ».

Raillé pour ses positions d’équilibriste, l’ancien protégé de François Hollande s’est amusé à se dépeindre en candidat de l’« en même temps », une expression qu’il utilise souvent. « Il paraît que c’est un tic de langage (…) qui voudrait dire que je ne suis pas clair, que je ne sais pas trancher, que je serais flou », a lancé l’ex-ministre devant près de 20 000 sympathisants. Au contraire, c’est sa marque de fabrique, assume-t-il.

« Oui, je choisis la liberté et l’égalité, la croissance et la solidarité, l’entreprise et les salariés. »

Emmanuel Macron s’est attaché à rassurer ceux qui montrent des signes d’inquiétude face à son projet. Les syndicats, à qui il veut enlever la gestion de l’Unedic ? « Je veux plus de confiance dans les partenaires sociaux, auxquels nous donnerons plus d’importance et de poids », a-t-il affirmé. Les élus locaux, qui craignent que l’exonération de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages ampute leurs recettes ? « Je veux renouer avec nos territoires un pacte girondin, en leur donnant plus de responsabilités et plus de place », a-t-il expliqué.

Emmanuel Macron utilisant un prompteur lors de son discours à l’AccorArena de Bercy à Paris le 17 avril. | JEAN-CLAUDE COUTAUSSE / FRENCH-POLITICS POUR « LE MONDE »

Œcuménique

Le candidat de 39 ans a été œcuménique jusque dans ses références. Tour à tour, il a cité, dans un discours d’environ une heure et demie, le général De Gaulle, François Mitterrand, Lech Walesa, Pierre Mendès-France, Michel Rocard, Vaclav Havel… Cette volonté de rassembler lui a d’ailleurs joué des tours : alors qu’il venait de fustiger « l’enlisement » connu par la France « depuis vingt ans » et son « consentement inavoué au chômage », Emmanuel Macron a loué Jacques Chirac et sa perception de la « fracture sociale », au risque de la contradiction.

Aux nombreux observateurs qui s’interrogent sur sa capacité à obtenir une majorité à l’issue des élections législatives, l’ancien ministre a rétorqué que « depuis le début, ils prennent les Françaises et les Français pour des imbéciles ». « Les Français sont cohérents, ils nous donneront (…) une majorité pour gouverner et légiférer » en cas de victoire à la présidentielle, a assuré M. Macron, qui a redit qu’il comptait présenter « [s]es candidats » au scrutin des 11 et 18 juin prochains. Comprendre : pas ceux d’autres partis.

« Sur 11 candidats, 10 veulent nous ramener vers le passé », a d’ailleurs raillé le candidat d’En marche !. « Pour certains, ce sera Cuba sans le soleil ou le Venezuela sans le pétrole », a-t-il dit dans une allusion à Jean-Luc Mélenchon, que les sondages placent désormais dans son sillage. « D’autres voudraient nous enfermer dans un choix simple, Margaret Thatcher ou Trotski, Fidel Castro ou Maurras », a-t-il poursuivi, ciblant François Fillon et Marine Le Pen.

« La République que nous aimons, l’intérêt général, la laïcité et notre histoire, ils n’ont pas le visage de Sens commun », a enfin fustigé Emmanuel Macron, alors que le mouvement catholique qui soutient François Fillon multiplie les attaques contre lui. Une charge assumée par l’entourage du candidat :

« On est dans la bienveillance mais on n’est pas obligés non plus de se laisser piétiner avec des chaussures à crampons. »