Matthias Müller, le patron de Volkswagen, à Detroit, en janvier 2016. | PAUL SANCYA/AP

Qui a dit que la Commission européenne était vendue corps et âme au « big business » ? Le récent échange épistolaire entre le patron de Volkswagen, Matthias Müller, et Jean-Claude Juncker, dévoilé par le site Politico, tendrait à prouver le contraire.

Dans une lettre envoyée le 27 mars – et dont Politico a révélé l’existence lundi 17 avril –, le patron allemand du premier constructeur automobile mondial, sali par le scandale du « dieselgate » en 2015, réclame au président de l’institution communautaire, et spécialement à une de ses commissaires, qu’on le laisse tranquille…

M. Müller fait référence aux efforts répétés, mais pour l’heure infructueux, de la commissaire à la justice, la Tchèque Vera Jourova, afin que les 8,5 millions de clients de Volkswagen lésés par la tricherie du constructeur, qui a reconnu avoir minimisé les émissions polluantes d’un grand nombre de ses véhicules, obtiennent des compensations.

« De notre point de vue, il n’est pas dans les compétences de la Commission de faire respecter les droits des consommateurs », écrit M. Müller dans cette missive, « je vous demande instamment que la Commission s’en tienne à son devoir d’impartialité », ajoute-t-il, rappelant au passage qu’il est à la tête de « la première entreprise allemande ». Il est vrai que la Commission ne prend jamais une initiative sans tâter le terrain à Berlin (puis à Paris), les deux principales économies de l’eurozone. Mais de là à sous-entendre qu’elle est aux ordres… On a fait lobbying plus subtil.

Grain de sel politique

Réputé pour son franc-parler, M. Juncker a sèchement répondu au patron allemand que « la Commission s’assure toujours que ses actes sont en conformité avec ses responsabilités » dans un courrier daté du vendredi 14 avril lui aussi intercepté par Politico. Le Luxembourgeois a aussi pris soin de préciser quelles « bases légales » légitimaient les efforts de la Commission en faveur des consommateurs européens.

Il est vrai que ces « bases légales » sont étroites : la Commission est surtout responsable de la « coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs » (en vertu d’un règlement du même nom datant de 2004). Mais vu le nombre de véhicules concernés par la triche de Volkswagen, elle revendique aussi le droit « politique » de mettre son grain de sel dans l’affaire.

D’autant qu’en Allemagne (mais aussi au Luxembourg, en Espagne ou au Royaume-Uni), les autorités nationales n’ont pas fait leur travail, en omettant de sanctionner le constructeur. Ces quatre pays sont d’ailleurs sous le coup d’une procédure d’infraction européenne.