Au siège du Medef, à Paris, le 22 février. | DOMINIQUE FAGET / AFP

Que proposent les candidats pour réformer ou renforcer le modèle social français ? Quelles sont les grandes visions qui s’opposent ? Sarah Belouezzane, journaliste au service politique du Monde a répondu en direct aux questions des internautes, mercredi 19 avril.

Milou : Sur le tract d’Emmanuel Macron reçu avec les bulletins de vote, on peut lire que ce dernier souhaite supprimer les cotisations salariales. Comment finance-t-il alors la Sécurité sociale, les retraites, le chômage, etc. ?

Sarah Belouezzane : Emmanuel Macron souhaite en effet supprimer les cotisations d’assurance-maladie et d’assurance-chômage. Mais cela ne concernera que le salarié, l’employeur continuera de les acquitter. Il compense en relevant légèrement la CSG. C’est ainsi qu’il finance dans un premier temps. La réduction du chômage devrait, ensuite, selon lui, permettre une augmentation des recettes puisqu’il y aura plus de cotisants.

Claude : Qu’en est-il du prélèvement à la source qui était annoncé pour le 1er janvier 2018 ?

Le prélèvement à la source est, pour l’instant, toujours programmé pour le 1er janvier 2018. Pour ce qui est des candidats, Emmanuel Macron souhaite le garder mais le décaler d’un an. Marine Le Pen, François Fillon et Jean-Luc Mélenchon envisagent de revenir sur la mesure. Benoît Hamon la garde.

Jacques : Le remplacement d’une partie des cotisations par l’impôt (CSG ou autre) dans le programme de Macron n’est-il pas un premier pas vers la sortie hors du régime assurantiel ? Cela me semble représenter un risque pour les salariés qui seront moins maîtres de leur protection sociale tandis que les responsables gouvernementaux seront plus facilement en mesure de baisser par exemple les indemnités chômages…

Certains ont en effet pointé ce risque, mais les équipes d’En marche ! s’en défendent. Ceci étant, M. Macron souhaite, s’il est élu, reprendre la main sur l’assurance-chômage qui est aujourd’hui gérée par les partenaires sociaux. Il aurait, dans ce cas, toute latitude pour baisser les indemnités.

Gui : Dans le programme de M. Macron il est indiqué que si l’on refuse plus de deux emplois proposés on ne perçoit plus d’indemnités. Quelles vont être les « modalités » de refus ?

Pour l’instant, tel que c’est prévu dans le programme du candidat Macron, il ne faut pas refuser plus de deux offres « décentes ». C’est-à-dire correspondant aux qualifications et à la demande du chômeur, étant dans un rayon géographique raisonnable. Il faudra déterminer ce que décent signifie avec le conseiller Pôle emploi. Il faut, par ailleurs, savoir qu’aujourd’hui un tel dispositif existe déjà mais que les sanctions sont rarement appliquées car il est difficile de caractériser l’infraction.

Bourdin : Quelle est la différence sociale majeure entre le programme économique de M. Mélenchon et celui de M. Macron ?

Les différences sont multiples. Que ce soit sur les dépenses publiques – que M. Macron veut réduire mais que M. Mélenchon veut augmenter. Ou encore sur le salaire minimum – que ce dernier veut augmenter alors que le premier n’y touche pas… Je vous invite à regarder le comparateur de programmes du Monde.fr.

Valentin : Travaillant pour une grande entreprise allemande, les propositions de M. Mélenchon risquent-elles d’entamer la volonté de mon entreprise à investir en France ?

Très difficile à dire en l’état. C’est ce que craignent certains économistes. Indiquant que les incertitudes que ferait peser le programme de M. Mélenchon sur les relations avec les partenaires européens feraient fuir les investisseurs. Mais c’est impossible de prévoir leur comportement.

Loup blanc : Pourriez-vous rappeler la situation financière des régimes de protection sociale ? Par ailleurs, que penser des gens qui disent souhaiter maintenir le paritarisme quand on voit qu’il n’existe plus nulle part ?

Selon les derniers chiffres publiés par Bercy, le 17 mars, le régime général de la Sécurité sociale et le Fonds de solidarité vieillesse affichent pour 2016 un déficit cumulé de 7,8 milliards d’euros, soit 3 milliards de moins qu’en 2015, où il s’élevait à 10,8 milliards d’euros.

Quant au paritarisme, il s’agit en effet surtout de l’assurance-chômage et de la gestion du régime complémentaire des salariés du privé. Pour le premier, syndicats et patronats ont, encore, la possibilité de fixer les indemnités et les cotisations.

Go : Quelles sont les propositions des différents candidats sur la baisse du temps de travail ?

Jean-Luc Mélenchon ne touche pas aux 35 heures, mais souhaite passer aux 32 heures là où c’est possible et pour les métiers difficiles. Benoît Hamon, lui, souhaite encourager au temps partiel, notamment dans les métiers difficiles et quand les circonstances de la vie le commandent. Tous deux pensent qu’il faut partager le travail pour que tout le monde en ait un.

A l’inverse, François Fillon souhaite augmenter le temps de travail, en réduisant toute référence à la durée légale du temps de travail dans la limite des 48 heures prévues par l’Union européenne.

Emmanuel Macron ne toucherait pas aux 35 heures mais souhaite aller plus loin que la loi travail en élargissant les domaines de négociations possibles au sein de l’entreprise.

Sofy : L’Etat souhaite reprendre la gestion totale de l’assurance-chômage. Les organismes paritaires vont-ils facilement laisser cette gestion ? En clair Emmanuel Macron aura-t-il des bâtons dans les roues pour passer cette réforme ?

L’Etat peut décider de reprendre la main s’il le souhaite, mais il lui faudra une loi. A moins que les partenaires sociaux n’aboutissent pas à un accord, c’est alors par décret que le gouvernent peut modifier les règles. Seulement, le 28 mars, patronat et syndicats ont abouti à un accord commun après un échec en juin 2016.

Une profession libérale : Beaucoup de candidats souhaitent « supprimer le RSI », mais par quoi comptent-ils le remplacer ? Bien joli d’essayer de flatter les indépendants dans le sens du poil, mais nous voudrions bien savoir quelle protection sociale on nous propose à la place ?

La question du RSI est en effet délicate. Certains candidats souhaitent le supprimer, d’autres l’adosser au régime général. L’idée étant de lutter contre les dysfonctionnements observés ces dernières années. Mais personne ne précise que les indépendants qui ont moins de prestations sociales, cotisent aussi moins. S’ils cotisent moins, c’est que leur chiffre d’affaires annuel est généralement bas.