Jeremy Corbyn, le 19 avril à Londres. | DANIEL LEAL-OLIVAS / AFP

Le Parti travailliste pourrait jouer son unité, voire sa survie, lors des élections législatives anticipées annoncées pour le 8 juin par la première ministre, Theresa May. Deux chiffres suffisent à résumer l’état de déliquescence du Labour : seuls 15 % des Britanniques pensent que son leader, Jeremy Corbyn, « ferait le meilleur premier ministre ». Même parmi les électeurs du Labour, la proportion n’atteint que 30 %.

Dix-huit mois après son élection surprise par les adhérents, le député pacifiste et tiers-mondiste âgé de 67 ans continue d’affronter l’hostilité des parlementaires de son propre parti, qui le jugent eux aussi peu crédible pour Downing Street. Dénué de charisme et absent des médias, M. Corbyn a révélé dans la période récente toute l’ambiguïté de sa position sur l’Europe. Après avoir mollement fait campagne contre le Brexit en 2016, il a refusé de s’opposer au texte gouvernemental déclenchant la procédure de divorce avec l’UE afin de ne pas contrarier les électeurs populaires hostiles à l’Europe, allant jusqu’à imposer un vote conforme aux députés du parti.

Le Labour apparaît si divisé que l’on peine à énoncer ses positions dans la négociation qui va s’ouvrir avec les Vingt-Sept. Officiellement, le Labour a défini pas moins de six critères pour juger si l’accord final avec l’Europe lui conviendra ou non. Il faudrait pour lui que le Royaume-Uni obtienne « exactement les mêmes avantages » que ceux de l’appartenance actuelle au marché unique et « une gestion des migrations conforme aux intérêts de l’économie et des collectivités locales ». Une position destinée à satisfaire les deux parties opposées de l’électorat sur le Brexit, mais que sa complexité rend difficile à populariser.

Tromperie

Pourtant, mardi, M. Corbyn a accueilli favorablement la décision de Mme May d’organiser des élections anticipées qui s’apparentent pourtant à une machine de guerre contre son parti. Ce scrutin « va donner aux Britanniques la possibilité de voter pour un gouvernement qui défendra les intérêts de la majorité », a-t-il déclaré. De façon significative, le chef du Labour n’a pas fait la moindre allusion au Brexit, préférant centrer sa campagne pour la défense de l’enseignement public et du service national de santé.

Mais même cette position est loin de faire l’unanimité. De nombreux élus, qui craignent pour leur circonscription, ont demandé mardi 18 avril au soir à leur leader de reconsidérer sa position. Certains ont annoncé qu’ils voteraient contre ou s’abstiendraient, mercredi, lors du vote sur le texte officialisant la tenue du scrutin.

« Les gens en ont assez des élections. Theresa May trompe à nouveau les électeurs », estime ainsi Liz McInnes, députée du Grand Manchester. Mais d’autres sont bien décidés à se battre pour dénoncer la politique de Mme May. Ainsi Keir Starmer, ministre du Brexit dans le cabinet fantôme (opposition), estime que le Labour va pouvoir « expliquer sa conception ouverte et progressiste » de l’avenir qu’il souhaite pour le pays. Mais chacun sait que Jeremy Corbyn pourrait faire les frais de la bérézina électorale promise par les sondages.