Donald Trump, avec Mary Barra, PDG de General Motors, et Gary Cohn, le président du Conseil national économique, venu de Goldman Sach, à la Maison Blanche, le 3 février. | BRENDAN SMIALOWSKI / AFP

La firme avait pourtant tout prévu. Comme à son habitude depuis deux décennies, elle a su placer ses hommes au cœur du pouvoir. Sitôt élu, le président américain, Donald Trump, qui avait construit sa campagne sur la détestation de Wall Street, a ouvert les portes de la Maison Blanche au plus rusé des loups de la finance, Goldman Sachs. Il a installé auprès de lui une armada d’anciens banquiers maison, à commencer par Steven Mnuchin, le nouveau secrétaire au Trésor, qui a passé dix-sept ans au sein de la banque, et surtout Gary Cohn, son président, promu premier conseiller économique du nouveau pouvoir. Une forme d’entrisme digne des plus grands révolutionnaires trotskistes.

Des anticipations totalement erronées

Mais pour l’instant, force est de constater que la vista de ses dirigeants, pourtant supposés bien informés, semble un peu défaillante. La société avait anticipé que la nouvelle politique américaine, très offensive en matière économique, provoquerait une hausse des taux, une baisse du rendement des obligations d’entreprises et une forte volatilité sur les marchés, notamment du côté des matières premières et des devises. C’est tout le contraire qui s’est produit.

La déconvenue est d’autant plus cinglante qu’elle contraste avec le reste de la profession. Les résultats trimestriels des grandes banques américaines sont excellents. A l’exception de ceux de Goldman Sachs. Pourtant, à première vue, des bénéfices trimestriels en hausse de 80 % à plus de 2 milliards de dollars (1,9 milliard d’euros), ce n’est pas honteux. Mais les analystes sont gourmands, et ils attendaient bien plus compte tenu du mauvais résultat de l’an dernier et des perspectives mirifiques de dérégulation et de baisse d’impôts promises par la nouvelle administration. C’est la raison pour laquelle la Bourse de New York a battu tous ses records depuis le début de l’année 2017.

Le poison du doute

Ce qui chiffonne Wall Street c’est que son champion et chouchou de Washington n’a pas été bon dans la matière où il excède d’habitude, le courtage. Ces fameux traders qui transfèrent les milliards d’un coup de clic. Le royaume du court terme et de l’incertitude. Résultat, les grandes banques universelles, à la gestion plus long terme, comme JPMorgan ou Citigroup ont affiché de bien meilleures performances. Quand à Morgan Stanley, son jumeau et ennemi intime, il a quasiment doublé son résultat dans ce domaine. « Nous n’avons pas bien navigué dans les marchés », s’est excusé Martin Chavez, le nouveau directeur financier de Goldman Sachs.

Bien sûr, ces résultats sur un seul trimestre ne sont pas forcément représentatifs d’une tendance de long terme. Mais ils ont instillé dans l’esprit des experts de Wall Street le poison du doute. Et si le roi de la finance spéculative avait perdu de son invincibilité. Et si sa maestria allait s’enliser comme semble le faire la politique du matamore de la Maison Blanche dont il est désormais si proche…