Des policiers du RAID durant les recherches à Marseille, le 18 avril. | Claude Paris/AP

Editorial du « Monde ». Les services de sécurité français, intérieurs comme extérieurs, se gardent bien du moindre triomphalisme. Ce n’est pas « le genre de la maison ». Ils viennent pourtant d’enregistrer un beau succès avec l’interpellation, mardi 18 avril à Marseille, de deux hommes suspectés de préparer un attentat contre l’un des candidats à l’élection présidentielle. Mais ils savent, mieux que quiconque, que le terrorisme reste une menace très forte.

Dans ce domaine, aucun pays ne fait de miracles – même les régimes les plus autoritaires. Il faut toute l’outrecuidance irresponsable de la chef du parti d’extrême droite Front national, Marine Le Pen, pour oser dire que « rien de sérieux » n’a été fait en France pour lutter contre le terrorisme. Beaucoup a été fait, dans le cadre d’un Etat de droit auquel les Français, n’en déplaise à Mme Le Pen, sont attachés.

On a suffisamment critiqué dans ces colonnes les manques et défaillances des services de renseignement à propos des nombreux attentats qui ont marqué l’année 2015 et la première partie de 2016 pour ne pas saluer la réussite de cette semaine.

A Marseille, tout semble avoir relevé d’une opération modèle : qualité du renseignement d’origine ; suspects détectés et suivis dès leur sortie de prison (pour faits de droit commun) ; sympathies djihadistes tout aussi vite identifiées ; perquisition administrative justifiée et effectuée dans le cadre de l’état d’urgence ; interpellation à cinq jours du premier tour de scrutin. Les armes retrouvées chez les deux suspects dans leur planque marseillaise ne laissent aucun doute sur leurs intentions, notamment les trois kilos d’explosifs TATP.

La bataille sera longue

Encore une fois, les services restent d’une extrême prudence. Mais il faut dire que l’interpellation de Marseille s’inscrit dans une série d’opérations réussies. La prise de conscience, les réorganisations, les moyens dégagés au lendemain des tragédies de 2015 et 2016 semblent porter leurs fruits. Tous les attentats élaborés (excluant les passages à l’acte individuels difficilement prévisibles) depuis septembre 2016 ont été déjoués.

Plusieurs raisons peuvent expliquer cette amélioration globale. Elle tient aux progrès dans la meilleure connaissance du phénomène djihadiste. Elle est le résultat d’un lent et patient travail d’infiltration et d’une meilleure coopération avec les services étrangers. Elle est fondée sur une plus grande surveillance d’Internet et surtout des messageries sécurisées comme Telegram.

Enfin, l’organisation Etat islamique (EI) est sur la défensive, assiégée dans ses deux places fortes, Rakka en Syrie et Mossoul en Irak. Ses capacités opérationnelles et ses « donneurs d’ordre » diminuent, même si elle est tentée de compenser ses défaites au Moyen-Orient par un regain d’activisme en Europe.

Tous ceux qui prétendent avoir la solution pour « en finir » avec le terrorisme djihadiste trompent l’opinion. La bataille sera longue. Le djihadisme ne disparaîtra pas du jour au lendemain. Il est le produit de la décomposition de deux Etats qui furent des piliers de l’équilibre moyen-oriental, la Syrie et l’Irak, et aussi le produit d’une vieille guerre de religion au sein de l’islam. Prendre conscience de ce facteur temps est la première des conditions pour une lutte efficace contre les tueurs en série du djihad. Les services français le savent. Ils ne peuvent pas tout, mais ils marquent des points.