Samedi 15 avril, les marcheurs sur la pelouse de Central Park, en plein de New York. | Guillemette Faure

En marche !, nous avait-on expliqué, c’est un peu comme Nuit debout, mais en mieux assis. » Ce samedi 15 avril, les marcheurs sont assis sur la pelouse de Central Park, en plein New York. En plus des ballons tricolores, on reconnaît les Français à leur Thermos et leurs tasses à café.

À l’origine du mouvement des marcheurs new-yorkais, Florent Joly, qui travaille chez Google. Il aime Macron. Il aime l’Europe. Il aime que Macron aime l’Europe et qu’il l’affirme quand ce n’est pas dans l’air du temps. Il est jeune comme la plupart des pique-niqueurs. Certains ont eu le coup de foudre quand Emmanuel Macron est venu avec la French Tech. Un autre a adoré l’entendre dire, en conférence à New York University ou à Columbia, qu’« en France on n’a pas le droit de réussir, mais on n’a pas le droit d’échouer non plus… ». Surtout pour la deuxième partie de la phrase.

« Qu’est-ce qu’on peut faire pour sauver la France maintenant qu’on a “liké” la page Facebook ? »

Comment traduire Macron pour des Américains ? Un mois plus tôt, à une table ronde au Council on Foreign Relations, Dominique Moïsi de l’Institut Montaigne expliquait aux New-Yorkais que le candidat était attaqué en France sur son passage dans une banque et non sur son couple, contrairement à ce qui lui arriverait aux États-Unis.

« Qu’est-ce qu’on peut faire pour sauver la France maintenant qu’on a “liké” la page Facebook ? », viennent demander deux jeunes. L’élection de Trump leur a donné envie de se mobiliser, mais ils ne savent pas comment. Tracter à la sortie des événements à destination de la communauté française, leur répond-on. Pas à la sortie des banques françaises installées aux États-Unis, les fillonistes qui l’ont fait n’auraient pas été bien reçus.

C’est tax day aux États-Unis : le jour où l’on remplit sa déclaration d’impôts ; le jour où, cette année, des manifestants ont défilé pour réclamer que Trump communique enfin la sienne. « Les impôts sont la marque de la civilisation », dit une pancarte oubliée sur un banc pas très loin. Déplorer la fiscalité et les charges en France sont aussi les marqueurs des électeurs français de droite à New York (Sarkozy y avait obtenu 62 % des voix au second tour en 2012). En guise de pique-nique, les fillonistes ont pu voir Nathalie Kosciusko-Morizet dans un café-théâtre deux jours plus tôt. Et l’entendre répondre au sujet du candidat qu’elle venait défendre : « C’est sûr que si vous cherchez un parrain pour vos enfants, c’est pas le profil », puis se lancer dans une grande comparaison entre les quatre candidats de tête et les attractions qui peuvent se produire entre quatre corps célestes.

« Je suis en marche vers l’insoumission. » Un indécis

Ici-bas, sur la pelouse de Central Park, les jeunes macronistes discutent du pique-nique de la France insoumise qui doit se tenir le lendemain dans un autre parc de New York. « Y a un groupe de mélenchonistes à New York ? », s’étonne un pique-niqueur. « Il y a aussi des gens qui ne mangent pas de gluten… », répond un autre.

En effet, le lendemain, d’autres ballons bleu-blanc-rouge ont été accrochés à un arbre à Prospect Park, à Brooklyn. Il y a là une vingtaine de personnes dont, surprise !, des visages de la veille : des macronistes venus tenter de convaincre des mélenchonistes et des mélenchonistes croisés la veille en sous-marin dans le pique-nique concurrent. Parmi eux, un indécis, un vrai, « Je suis en marche vers l’insoumission » dit-il, pendant que sa femme ouvre une boîte de camembert. Un pique-niqueur a apporté un mille-feuilles géant sur lequel le logo « φ » (phi) du candidat est inscrit en chocolat. Plus créatifs en dessert, les pique-niqueurs mélenchonistes prennent aussi la parole beaucoup plus longtemps, qu’il s’agisse de la banque centrale ou de la sortie du nucléaire, sujets sur lesquels Émile, un macroniste de la veille, demande des explications.

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On en est là quand un homme intervient. Un Américain resté silencieux jusque-là : « Vous pouvez discuter comme ça pendant vingt ans, mais qu’est-ce que vous allez faire au second tour ? » Il leur dit qu’il a peur, très peur pour la France. C’est aussi ce qu’écrivait le New York Times, le matin même. « Ah mais non ! Les sondages sont formels, Marine Le Pen n’a aucune chance », répondent les pique-niqueurs installés dans un pays où, six mois plus tôt, les sondages étaient formels. « Je suis franco-américaine, raconte une femme. On m’avait dit de ne pas voter pour Bernie Sanders aux primaires parce qu’il n’aurait aucune chance face à Trump… On a vu le résultat. » Une fine pluie passe, on ramasse les nappes, le temps de se mettre à l’abri. Sous un arbre, Émile le marcheur a dans la main le livre de Mélenchon, Morgane l’insoumise celui de Macron.