Lors d’une manifestation à Bamenda, au Cameroun, le 8 décembre. | REUTERS

Après trois mois et trois jours de coupure, Internet est de retour dans les deux régions anglophones du Cameroun. C’est par un communiqué d’Issa Tchiroma Bakary, ministre de la communication et porte-parole du gouvernement, lu sur les antennes de la radio nationale, jeudi 20 avril, que la nouvelle est tombée.

« Les conditions ayant présidé à l’interdiction provisoire d’Internet dans cette partie du territoire national ont fortement évolué. Le chef de l’Etat a par conséquent instruit le ministre en charge des postes et télécommunications de demander aux opérateurs de téléphonie mobile de rétablir les connexions Internet dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. »

Depuis le 17 janvier 2017, le gouvernement avait coupé Internet à la suite de la grève des enseignants et des avocats qui secoue cette partie du pays depuis cinq mois. A Bamenda, région du Nord-Ouest, des cris se sont fait entendre à l’annonce de ce retour.

« Les gens sont contents. C’est normal car, depuis trois mois, ils ne peuvent plus envoyer des mails, discuter avec des amis ou la famille sur Facebook ou sur WhatsApp. Moi aussi je suis heureux car, je vais enfin pouvoir travailler en paix », jubile un journaliste, joint par téléphone, qui était obligé de parcourir des dizaines de kilomètres pour envoyer ses papiers.

« L’arme de coupure »

Sur les réseaux sociaux, les sentiments sont partagés entre joie, colère et incompréhension. « Pourquoi avoir coupé s’ils savaient bien qu’Internet était aussi important pour l’économie d’un pays. Ce gouvernement ne sait plus vraiment quoi faire après 30 ans », réagit Flora, sur Facebook. « Merci Paul Biya. Ta visite chez le pape François t’a vraiment changé. Sacré Vatican ! », ironise un autre internaute. Sur Twitter, la plupart des messages s’accompagnent encore du mot-clé #BringBackOurInternet (Rendez-nous notre Internet), lancé au lendemain de la coupure pour faire pression sur le gouvernement.

« Que ça vienne ou pas, on s’en fout », s’offusque au téléphone, un jeune entrepreneur de la « Silicon Mountain », autre appelle de Buea, en référence aux start-up qui se créent dans cette ville du sud-ouest. Ces entrepreneurs avaient perdu de l’argent et des clients. Ils avaient fini par créer un « camp » de réfugiés d’Internet à New Bonako, une localité située à la frontière entre deux régions : le Littoral « connecté » et le Sud-Ouest « sevré ». « Je suis heureux. Pourvu que ça dure, tempère Hitler, étudiant et entrepreneur de Buea. On ne sait pas encore si Internet est venu partout. »

Tous préfèrent rester prudents. « Vers la fin de l’apartheid numérique ? Aucun doute que l’arme de la coupure sera réutilisée », tweete pour sa part Yann Gwet, chroniqueur du Monde Afrique. Il n’a pas tort. « Il reste entendu que le gouvernement se réserve le droit de prendre en tant que de besoin, les mesures appropriées pour éviter qu’Internet ne soit à nouveau utilisé pour susciter la haine et la discorde entre Camerounais ou pour créer des troubles à l’ordre public », prévient Issa Tchiroma Bakary, dans le communiqué.