Le milieu de la finance a beau être un monde de requins, il y a des choses qui ne se font pas. C’est en tout cas ce qu’a estimé le conseil d’administration d’Arconic, qui n’a pas hésité à limoger son PDG, Klaus Kleinfeld. Ce dernier avait envoyé il y a quelques jours un colis au patron d’un fonds activiste, qui a été interprété comme une tentative d’intimidation.

Arconic, la société née de la scission en novembre 2016 du géant de l’aluminium Alcoa, a en effet annoncé le 17 avril la démission de Klaus Kleinfeld, 59 ans, alors que le fonds Elliott Management, qui détient 13,2 % du capital, faisait pression depuis plusieurs mois pour changer la direction. Le conseil avait justifié cette décision après avoir appris que M. Kleinfeld avait envoyé une lettre à Elliott « sans l’en avoir averti ni obtenu son autorisation ». Pour les administrateurs, le PDG a fait preuve d’un « manque de discernement », sans préciser le contenu de la lettre. Le fonds activiste s’était simplement plaint qu’il s’agissait de « menaces » voire d’une tentative « d’intimidation » à l’égard de ses dirigeants.

Mais jeudi 20 avril, on en sait un peu plus sur la nature de la missive, qui s’adresse en particulier au président d’Elliott, Paul Singer, qui aurait eu un comportement déplacé lors de la Coupe du monde de football de 2006 en Allemagne à laquelle il assistait. M. Kleinfeld explique ainsi, que, alors que les deux hommes ne se sont jamais rencontrés, des amis habitant en Allemagne (d’où est originaire l’ex-PDG d’Arconic) lui ont raconté d’étranges histoires sur M. Singer. Il est fait notamment référence au comportement « légendaire » du patron d’Elliott, qui aurait été vu en train de chanter Singing in the Rain les pieds dans une fontaine, en marge d’un match de la compétition. M. Kleinfeld évoque également une coiffure d’Indien, sans préciser à quoi cela faisait référence.

« Un petit souvenir »

La lettre avait été envoyée au siège d’Elliott sur Park Avenue à New York, accompagnée du ballon de football officiel du Mondial 2006. « En signe de ma gratitude pour en apprendre davantage sur cette face cachée de votre personnalité, je me permets de vous envoyer un petit souvenir, ce qui pourrait faire remonter à la surface des souvenirs vivaces (que j’espère positifs) », est-il écrit dans la lettre. Même si M. Singer n’a jamais caché sa passion pour le football, Elliott affirme que la lettre est « basée sur de fausses insinuations ».

L’initiative malheureuse de M. Kleinfeld visait sans doute à répondre aux propres attaques dont il fait l’objet depuis janvier de la part d’Elliott. Le fonds activiste a publié la semaine dernière une présentation de 336 pages dans lesquels il étrille la stratégie du PDG. Il a également pointé le parcours de M. Kleinfeld au sein du groupe allemand Siemens, dont il a dû partir en 2008 à la suite d’une affaire de corruption. Le PDG s’était toujours défendu d’avoir été mêlé à ce scandale.

Toujours est-il qu’Elliott est finalement parvenu à ses fins en obtenant le départ de M. Kleinfeld, non pas en convainquant les administrateurs que sa stratégie était une impasse, mais en poussant le PDG à la faute. Dans la finance, pour arriver à ses fins, tous les moyens sont bons, ou presque.