Eddy de Pretto a déjà signé un contrat d’enregistrement avec Initial, la nouvelle structure d’Universal. | D.R.

Depuis quelques années, le rituel des « découvertes du Printemps de Bourges » s’est rebaptisé Les Inouïs. A peu de choses près, le principe est resté le même. Mandatées par le festival, des antennes régionales sélectionnent et programment des espoirs du rock, du hip-hop, de l’électro, de la chanson…

Loin des bonnes actions de patronage, l’opération a gagné une crédibilité qui mobilise, chaque fin de matinée, dans les deux salles du 22 (Est et Ouest), professionnels du disque et du spectacle à l’affût des perles rares.

Vendredi 21 avril, la rumeur conseillait de ne pas rater Eddy de Pretto, un choix de l’antenne Ile-de France. Même sans espoir de faire signer au jeune homme un contrat discographique – Initial, la nouvelle structure d’Universal, autoproclamée « incubateur de talents », s’en est déjà chargée.

Le diktat de la masculinité

Les premières secondes, on se demande quelles promesses peut tenir ce garçon au visage caché sous une casquette blanche et à l’ample t-shirt rentré dans un pantalon serrant sa taille à mi-ventre, tout en découvrant ses chaussettes au dessus de ses Converse.

Puis, accompagné d’un batteur privilégiant les sons synthétiques et d’un bassiste-claviériste, l’improbable gringalet se met à scander d’une voix grave et puissante des histoires qui déstabilisent et prennent aux tripes. Les troubles de l’identité (Normal), le diktat de la masculinité obligée (« Tu seras viril mon kid… »), la violence homophobe d’une banlieue qui peut vous construire autant que vous détruire (Beaulieue), les obsessions charnelles (Rue de Moscou) sont au cœur d’une écriture soignant son élégance comme son réalisme.

Difficile de ne pas sentir dans l’ampleur dramatique d’une diction devant autant au slam qu’à la tradition de la chanson, l’influence d’un Stromae. Même si les arrangements encore un peu grossiers d’Eddy de Pretto tendent moins vers le groove festif que ceux du Rwando-Belge.

Stromae et Aznavour

Retrouvé en coulisse après le concert, le chanteur de 24 ans reconnaît avoir été marqué par la puissance singulière de l’interprète de Papaoutai et Alors on danse, « même s’[il] cherche aussi à [s’]évader de cette influence ». Une connexion pouvant s’expliquer par un amour partagé de la chanson et du hip-hop. « Grâce à ma mère, j’ai baigné dans les chansons de Brel, Brassens, Barbara, Léo Ferré…, rappelle celui qui a grandi à Créteil (Val-de-Marne), avant de déménager à Paris. Mais ma jeunesse était aussi rythmée par les raps de Diam’s, Solaar ou Booba ».

A l’âge de 11 ans, le Parisien prend des cours de chant dont l’impact se fait aujourd’hui sentir dans la force et le délié de sa voix. « Il est primordial pour moi que les gens comprennent le sens de mes mots, pour aller là où je veux les emmener », confie ce blondinet fluet aux faux-airs de l’acteur Reda Kateb.

Ces territoires intranquilles, intensément personnels, ont été peu explorés dans le répertoire de la chanson et encore moins dans celui du rap français. « Je veux pousser, analyser et déconstruire ces thèmes qui m’habitent depuis mon enfance, insiste Eddy de Pretto. Comme ce sempiternel tu seras un homme mon fils, aussi dur à entendre que tu resteras dans ta cuisine, ma fille».

Autant admiré par les chanteurs que par nombre de rappeurs, Charles Aznavour a été l’une des seules stars françaises, dans Comme ils disent, à écrire sur l’homosexualité. « Cette chanson me touche d’autant plus qu’elle a été chanté par quelqu’un qui, malgré son statut de vedette, n’a pas hésité à questionner et déranger les gens, observe Eddy de Pretto. C’est comme cela que je vois le rôle de l’artiste ».