• Fernand de la Tombelle
    Mélodies

    Tassis Christoyannis (baryton), Jeff Cohen (piano)

Pochette de l’album « Mélodies » consacré à des œuvres de Fernand de la Tombelle. | APARTÉ

Aristocrate lettré et musicien accompli, Fernand de la Tombelle (1854-1928) n’a pas marqué son temps comme compositeur. S’il est aujourd’hui tiré de l’oubli par le Palazzetto Bru Zane, à l’origine de ce programme finement conçu et interprété, l’histoire de la musique française ne s’en trouvera pas pour autant chamboulée. Des 23 mélodies réunies sur ce disque, il ressort plus de goût que de style. Peintre d’atmosphère, de la Tombelle sait donner vie et vérité aux vers insipides (Les larmes, Il me l’a dit) autant qu’aux textes des maîtres avec lesquels il se montre, toutefois, moins entreprenant. Il est vrai que les poèmes de Victor Hugo (Hier au soir) ou de Théophile Gautier (Les Papillons) chantent déjà d’eux-mêmes.  Pierre Gervasoni

1 CD Aparté.

  • Serge Rachmaninov
    Preghiera

    Trio élégiaque n°1 pour piano, violon et violoncelle. Trio élégiaque n°2 en ré mineur op.9. Preghiera. Daniil Trifonov (piano), Gidon Kremer (violon), Giedré Dirvanauskaité (violoncelle)

Pochette de l’album « Preghiera », consacré à Serge Rachmaninov. | DEUTSCHE GRAMMOPHON/UNIVERSAL MUSIC

La pochette en noir et blanc, un paysage aquatique dans le brouillard, a certes de quoi déclencher une « mélancolite » aiguë. C’est compter sans la charge émotionnelle qui imprègne le Deuxième Trio élégiaque op.9 dédié par le jeune Rachmaninov à la mémoire de son maître Tchaïkovski : le violon passionnel, en prise directe sur l’âme humaine, de Gidon Kremer, le violoncelle expressif et fougueux de Giedré Dirvanauskaité et, plus encore, le piano rayonnant de Daniil Trifonov, chevauchant le clavier de son Fazioli sur les ailes de l’inspiration, nous entraînent dans une confrontation éperdue entre ténèbres et lumières. Ecrit deux ans plus tôt, en 1891, le très tchaïkovskien Premier Trio élégiaque est une œuvre rarement jouée qui annonce déjà les fulgurances du grand Rachmaninov. Mais c’est la Preghiera (Prière), transcription pour violon et piano que Fritz Kreisler écrivit d’après le fameux « Adagio sostenuto » du ténébreux Concerto pour piano n°2, qui donne son titre à l’album. Sans doute la volonté explicite de Gidon Kremer, fringant septuagénaire dont la personnalité singulière ne cessera sans doute jamais de nous surprendre et de nous enchanter à la fois. Marie-Aude Roux

1 CD Deutsche Grammophon/Universal Music.

  • Offshore
    Shorewards

Pochette de l’album « Shorewards », d’Offshore. | PAKER PROD/COOP BREIZH

Depuis le milieu des années 1980, le guitariste Jacques Pellen a régulièrement proposé, au sein de ses propres formations ou en collaboration avec d’autres musiciens, une musique où se mêlent le jazz et les musiques dites celtiques, en particulier celles de sa Bretagne natale. Avec le quartette Offshore, il aborde ces croisements stylistiques avec des éléments d’Orient, d’Afrique et d’Inde. On songera par endroits à certaines des envolées musicales de Pat Metheny ou au Shakti de John McLaughlin – en ce qui concerne ce dernier, l’aspect démonstratif en moins. Le lien entre les guitares acoustiques et électriques de Pellen et la flûte de Sylvain Barou, parfois avec des effets électroniques, apporte une couleur particulière, peu usitée, tandis que le bassiste Etienne Callac et le batteur Karim Ziad dépassent, par leur musicalité, leur fluidité, le strict soutien rythmique. Le terme de fusion (entre les genres, les inspirations, les cultures, les musiciens…) convient idéalement pour définir cette musique inspirante. Sylvain Siclier

1 CD Paker Prod/Coop Breizh.

  • Charlie Watts
    Meets The Danish Radio Big Band

Pochette de l’album « Meets The Danish Radio Big Band », de Charlie Watts. | IMPULSE!/UNIVERSAL MUSIC

Lorsqu’il n’est pas pris par les Rolling Stones, le batteur Charlie Watts se fait plaisir à jouer du jazz. Il a ainsi monté un big band à la fin des années 1980, mené dans les années 1990 un quintette « parkerien » avec notamment le saxophoniste Peter King, constitué au début des années 2000 un tentette transgénérationnel. Cette passion pour le jazz avait trouvé le 23 octobre 2010 une (provisoire) apothéose avec la collaboration du Danish Radio Big Band lors d’un concert. Sept ans plus tard, ce disque en présente une partie. La majorité des arrangements est due au trompettiste Gerard Presencer et met en valeur l’Elvin Suite, composée par Watts et Jim Keltner, le standard I Should Care, ou Molasses, classique swing de l’orchestre de Woody Herman. Trois chansons des Rolling Stones sont fort bien mises en jazz, dont Paint It Black, dans un ralenti soyeux qui n’est pas sans rappeler la manière de Gil Evans. S. Si.

1 CD Impulse !/Universal Music.

  • The New Pornographers
    Whiteout Conditions

Pochette de l’album « Whiteout Conditions », de The New Pornographers. | CAROLINE/UNIVERSAL MUSIC

Si la noirceur de l’époque vous donne envie d’un petit remontant, le septième album des New Pornographers pourra avantageusement remplacer toute cure de vitamines. Mal connu en France, ce « supergroupe » de Vancouver additionne, depuis le début des années 2000, des talents remarqués en solo ou au sein d’autres projets, en particulier A. C. Newman, la chanteuse Neko Case (co-auteure l’an dernier du formidable Case/Lang/Veirs) ou Dan Bejar (leader de Destroyer et absent cette fois de Whiteout Conditions). Porté par une batterie haletante, une basse et des synthétiseurs empruntés à la new wave la plus entraînante des années 1980, la plupart des chansons cavalent au service de mélodies euphorisantes (Play Money, Colosseums, High Ticket Attractions), chantées (souvent en duo) par Newman et Case, dont la dynamique chorale n’est pas sans rappeler celle de leurs compatriotes d’Arcade Fire. Ce feu d’artifice power pop s’achevant par le bouquet d’Avalanche Alley. Stéphane Davet

1 CD Caroline/Universal Music. Sur le Web : www.thenewpornographers.com

  • Krismenn
    ’N om gustumiñ deus an deñvalijenn (S’habituer à l’obscurité)

Pochette de l’album « ’N om gustumiñ deus an deñvalijenn (S’habituer à l’obscurité) », de Krismenn. | WORLD VILLAGE/PIAS

Avec un a priori favorable, on attendait le premier album de Krismenn (né Christophe Le Menn, à Landerneau, dans le Finistère). Ce chanteur, slameur et musicien trentenaire nous avait fait dresser déjà l’oreille avec deux mini-albums et des prestations scéniques (en compagnie d’Alem, un jeune Lyonnais champion du monde de beatbox) qui dévoilaient une originalité dans l’approche du chant traditionnel breton. Un chant et une langue appris auprès des anciens dans le Centre Bretagne et d’Erik Marchand, au sein de la Kreiz Breizh Akademi. Sous une pochette (la photo d’une nuée d’étourneaux), qui déjà, fait musique, Krismenn, accompagné de cinq complices (dont Nicolas Pougnand, avec qui il partage les programmations), invente avec brio une texture sonore contemporaine, bruitiste et minimaliste, dans laquelle sa voix et les instruments acoustiques (guitares, violoncelle et contrebasse, bandonéon ou biniou) sont habillés et incrustés de sons et de boucles électroniques. Habitée, parfois inquiétante, l’atmosphère reflète la noirceur de certaines des histoires aux allures de cauchemars écrites par le chanteur (la traduction française est accessible sur son site), rappelant le tragique de la gwerz, le chant profond de Bretagne. Patrick Labesse

1 CD World Village/PIAS. Sur le Web : www.krismenn.com