La chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini,  et son homologue russe, Sergueï Lavrov, le 24 avril à Moscou. | KIRILL KUDRYAVTSEV / AFP

Les formes ont été respectées. La chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, dont c’était la première visite à Moscou depuis sa prise de fonctions en 2014, et son homologue russe, Sergueï Lavrov, ont tous deux déployé des efforts pour parler, lundi 24 avril, « coopération », « intérêt commun » et nécessité « d’améliorer [les] relations ». « Nous sommes prêts à examiner tous les domaines de coopération d’un point de vue pragmatique », a avancé la première ; « personne n’a donné de leçon à personne, c’est une bonne approche, la seule possible », s’est félicité le second.

Mais sur le fond, la rencontre a plutôt donné lieu à un dialogue de sourds. Mme Mogherini a maintenu le principe des sanctions infligées à la Russie en réaction au conflit ukrainien. « Oui, nous avons des désaccords concernant l’est de l’Ukraine et l’annexion de la Crimée », a-t-elle souligné, ajoutant un peu plus tard : « Ce serait surréaliste de nous considérer comme des partenaires stratégiques et d’avoir adopté des sanctions réciproques. » Aux mesures de restriction déclenchées par l’UE a répondu en effet un embargo sur de nombreux produits agro-alimentaires européens et de ce côté-là, tout reste en l’état. Sur la Crimée, son hôte a quant à lui souligné la persistance d’un « désaccord systémique ».

Toujours mis en avant, les accords de Minsk, censés imposer la paix en Ukraine, offrent un maigre paravent à un conflit gelé qui ne demande qu’à se réchauffer. La visite de Mme Mogherini intervenait alors qu’un membre américain de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a été tué, dimanche, après que son véhicule a sauté sur une mine près du village de Prychybin, sous contrôle séparatiste, dans la région de Louhansk. En trois ans de guerre, il s’agit du premier décès d’un membre de l’OSCE en Ukraine, où l’organisation a déployé plus de 700 observateurs. La mise en œuvre « complète » des accords de Minsk, a rappelé Federica Mogherini, n’en est que « plus urgente ».

Enquête après la mort d’un membre de l’OSCE

En réponse, M. Lavrov a réclamé l’ouverture d’une « enquête approfondie » – en parallèle, les Etats-Unis ont formulé la même demande – tandis que Kiev annonçait de son côté l’ouverture d’une enquête sur cet incident considéré par le parquet général ukrainien comme un « acte terroriste ».

A Moscou, il a été aussi beaucoup question de « lutte commune contre le terrorisme », mais sans parvenir à franchir, ici non plus, l’écueil de la Syrie et de son président, Bachar Al-Assad, dont le sort à la tête du pays continue à nourrir les divergences. La controverse sur l’attaque chimique de Khan Cheikhoun, imputée au régime de Damas par les Occidentaux, a été mise de côté par la chef de la diplomatie européenne, mais Mme Mogherini n’a pas manqué de souligner que l’UE est et reste le « principal contributeur de l’aide humanitaire » dans ce pays ravagé par six années de guerre civile.

Interrogée enfin par la presse sur le sort des homosexuels persécutés en Tchétchénie, Mme Mogherini, qui avait reçu quelques défenseurs des droits de l’homme peu avant sa rencontre avec le ministre des affaires étrangères, a répondu : « Les autorités russes ont une responsabilité directe de défendre les droits de leurs citoyens. » M. Lavrov l’a reprise en prétextant que « rien n’avait été prouvé », malgré les témoignages des victimes recueillis par des médias russes et internationaux.