Donald Trump s’est concentré sur sa politique intérieure et n’a pas commenté les résultats du premier tour de l’élection présidentielle française. | BRENDAN MCDERMID / REUTERS

Deux jours avant le premier tour, Donald Trump, qui était resté largement silencieux jusque là sur la campagne électorale française, avait prédit sur son fil twitter que l’attaque terroriste sur les Champs Elysées aurait un « impact fort » sur le scrutin.

Dans la foulée, le président américain avait fait l’éloge de Marine Le Pen dans un entretien avec l’Associated Press. « Elle est la plus ferme sur les frontières et la plus ferme sur ce qui se passe en France. Celui qui est le plus dur sur le terrorisme radical islamique et sur les frontières fera un bon score », avait-il prédit.

Ce commentaire était intervenu au lendemain du coup de fil passé par Barack Obama à Emanuel Macron.

Concentré sur le budget et sa popularité

Dimanche, Donald Trump n’a pas mentionné les résultats du premier tour dans ses tweets de la soirée. Il a préféré s’intéresser au financement du « mur » à la frontière mexicaine que le Congrès rechigne à lui accorder, alimentant le chaud et le froid sur un bras-de-fer qui pourrait conduire à la fermeture de l’administration si un accord budgétaire n’est pas trouvé avant la fin de la semaine.

Et au sondage publié par ABC et le Washington Post sur le bilan de son action près de 100 jours après son entrée en fonctions. « Je battrais encore Hillary dans le vote populaire », a-t-il proclamé. « Presque tous ceux qui ont voté pour moi maintiennent leur vote et 53 % estiment que je suis un leader fort ».

Selon le sondage, le président conserve certes sa base (94 % de ses électeurs de novembre approuvent son action). Mais 53 % des Américains désapprouvent sa performance, un record d’impopularité à ce stade du mandat présidentiel. Et comme s’échignent à le rappeler les factcheckers des medias, il a perdu le vote populaire et remporté quelque 2,8 millions de voix de moins que Mme Clinton le 8 novembre 2016.

Interrogé dimanche sur NBC, avant la publication des résultats en France, Reince Priebus, le secrétaire général de la Maison Blanche, a assuré que les tweets présidentiels ne valaient en rien soutien à Marine Le Pen. « Il est possible qu’il ait des opinions sur le candidat qui pourrait l’emporter. Mais il n’a certainement pas de préférence, sinon que ce soit une personne de centre-droit qui croit au marché libre », a-t-il corrigé.

Pas plus que le président, l’administration Trump n’a réagi dimanche soir au résultat du premier tour.

Soulagement et envie

Dans le reste du pays, l’élection avait suscité un fort intérêt dans les dernières semaines, centré sur la personnalité de Marine Le Pen (« Trump lite ») et de la surprise causée par l’émergence d’Emmanuel Macron (le « banquier d’investissement »). Les medias avaient surtout mis en relief l’enjeu du scrutin pour l’avenir de l’Union européenne.

Le résultat a été commenté avec soulagement par la plupart des politologues. Et une pointe d’envie, pour les démocrates. « Le plus intéressant dans l’élection c’est que les deux grands partis de droite et de gauche sont éliminés. Pourquoi est-ce impossible aux Etats-Unis ?», a regretté Anne-Marie Slaughter, l’une des proches de Hillary Clinton au département d’Etat.

« La grande différence c’est que les hommes politiques de droite ont presque tous apporté leur soutien à Macron, note Matthew Yglesias. Pratiquement aucun n’a soutenu Clinton ».

Ben Rhodes, l’ancien conseiller diplomatique de Barack Obama, a estimé que son ancien patron, Justin Trudeau et Emmanuel Macron avaient  « conduit des versions de la même campagne ». Opinion partagée par Matthew Yglesias : les électeurs semblent « préférer leur libéralisme avec un soupçon de jeunesse hors-système ».

Méfiants envers la Russie

« Macron était le seul candidat de premier plan qui soit anti-Poutine , a noté l’expert de la Brookings Institution Tom Wright. « Le plus grand risque maintenant c’est un coup tordu de la Russie dans les deux prochaine semaines », a ajouté son collègue Doug Rediker. Pour David Axelrod, autre compagnon de Barack Obama, la course entre « Macron et Le Pen soutenue par Poutine, a des implications énormes pour l’avenir de l’Alliance occidentale et de la démocratie libérale ».

Les commentateurs relèvent aussi que les sondeurs, cette fois, ne sont pas trompés. Nate Silver, le gourou des statistiques électorales, relativise l’idée que les lecteurs de l’extrême-droite en Europe hésitent encore à déclarer leurs intentions, ce qui a conduit, dans les enquêtes, à une sous-estimation de leur performance. Depuis l’élection de Trump, note-t-il, c’est plutôt l’inverse; en Autriche et aux Pays-Bas, les scores de l’extrême-droite ont plutôt été inférieurs aux prévisions des sondeurs. « Le Pen ne va probablement pas être le prochain Trump », conclut-il.