Environ 300 personnes ont manifesté à Nantes, après les résulats du vote de dimanche 23 avril, derrière une banderole proclamant « Ni banquier, ni raciste ». | JEAN-SEBASTIEN EVRARD / AFP

Le contraste est saisissant. Dimanche 23 avril, la mobilisation fut quasi nulle en France, alors même que Marine Le Pen réalisait un score historique, 21,4 % des suffrages exprimés, réunissant un peu plus de 7,6 millions de voix. Un record. Il y a quinze ans, le 21 avril 2002, plusieurs centaines de personnes descendaient dans la rue pour protester contre la présence de Jean-Marie Le Pen au second tour de l’élection présidentielle. A l’époque, 4, 8 millions de voix s’étaient portées sur le vieux chef nationaliste. Des cortèges spontanés avaient alors éclaté dans toutes les grandes villes du pays, jusqu’au point d’orgue du 1er-Mai, où près d’un million de personnes marchaient contre le Front national.

Dimanche soir, c’était calme (presque) plat. Aucun appel à défiler émanant de partis ou de syndicats. Rien à Marseille, Besançon, Lille, Lyon ou Bordeaux. Et lorsqu’une mobilisation avait lieu, c’était anecdotique et émaillé de violences. A Rouen, une centaine de personnes ont bien tenté de défiler, mais en ont été empêchées par les forces de l’ordre. A Tours, une centaine de jeunes ont crié leur dépit devant l’affiche du second tour, entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen.

Plusieurs interpellations ont eu lieu à Nantes, où environ 300 personnes ont manifesté derrière une banderole proclamant « Ni banquier ni raciste » et au cri de « Nantes debout soulève-toi, ni Le Pen ni Macron », selon l’AFP. Des manifestants ont lancé des cocktails Molotov et cassé quelques vitrines d’agences bancaires. Les forces de l’ordre ont répliqué par des tirs de grenades lacrymogènes et de désencerclement, ainsi que par des tirs de gomme-cogne.

400 personnes pour « prendre la Bastille »

A Rennes, où tout rassemblement était interdit, une centaine de personnes se sont malgré tout retrouvées entre 18 heures et 22 heures sur la place Sainte-Anne, à l’appel du collectif Rennes ingouvernable. Après l’annonce des résultats, environ 200 personnes ont commencé une manifestation « sauvage » dans les rues du centre-ville. Dans le cortège, on pouvait entendre des slogans comme « Macron, Le Pen, on n’en veut pas ».

Paris n’a pas fait exception à la règle. La place de la République semblait bien vide malgré ses quelques badauds réunis. Pour trouver une mobilisation, il fallait aller à Bastille en fin d’après-midi. Depuis plusieurs jours, le rendez-vous était connu sous le nom de « Nuit des barricades ». Lancé par des mouvements antifascistes, anticapitalistes et autonomes, le but du rassemblement était de contester « la mascarade électorale ».

Après quelques chants et slogans contre les élections et la police, les quelque 400 personnes alors présentes ont décidé de « prendre la place de la Bastille », entamant plusieurs tours de la colonne de Juillet. Les CRS se sont rapprochés peu à peu des manifestants, dont beaucoup étaient cagoulés et habillés en noir. Après des jets de bouteilles et d’objet divers dans leur direction, les forces de l’ordre ont décidé d’intervenir et de « nasser » une partie des manifestants. Les autres partirent alors en direction de Nation, puis de République, pour une manifestation sauvage.

« Casser les banques et les flics, bras armés du capital »

Sur leur chemin, les panneaux publicitaires et les Abribus étaient détruits, ainsi que plusieurs Autolib’et les façades d’agences bancaires. Du matériel de chantier, des barrières métalliques et des poubelles étaient régulièrement mis en travers de la chaussée pour empêcher la progression des forces de l’ordre. « Casser les banques et les flics, bras armés du capital, c’est devenu la seule solution, explique un manifestant de 27 ans militant au PCF et qui souhaite garder l’anonymat. Je me dis de plus en plus que militer dans les partis et les syndicats ne sert à rien et qu’il faut rejoindre le “Black Block”. »

Au cri de « Paris, debout, soulève-toi », « tout le monde déteste la police », « à bas l’Etat, les flics et les fachos » et de « siamo tutti antifascisti » (« nous sommes tous antifascistes », en italien), le cortège grossissait peu à peu. Après une pause à République, les manifestants repartirent en direction de Belleville sans vraiment de direction déterminée, taguant au passage la façade de la CFDT d’un « mort aux collabos ». La manifestation a ensuite été violemment dispersée au niveau du métro Louis-Blanc (10e arrondissement) aux alentours de 22 heures. Ces échauffourées avec la police ont fait deux blessés dont une adolescente, lors d’une charge de CRS. Trois interpellations ont eu lieu.