A Tulle, dimanche 23 avril. | Bob Edme / AP

A quoi pense-t-il devant la télévision, branchée sur TF1 ? Il est 20 heures, dimanche soir. Debout, adossé à son bureau, au premier étage de l’Elysée, les mains derrière le dos, François Hollande regarde les visages d’Emmanuel Macron et de Marine Le Pen s’afficher sur l’écran plat. Une douce lumière de printemps se glisse dans la pièce, par les portes-fenêtres qui ouvrent sur le parc. A quoi pense-t-il, ce président qui fut incapable de se présenter à un second mandat et voit triompher son ancien conseiller, âgé de 39 ans, jamais élu auparavant, inconnu il y encore trois ans ?

« C’est difficile d’avoir un successeur, de laisser la place à un héritier, un fils, on ne choisit pas… », confiait-il la semaine dernière, alors qu’un visiteur évoquait la nuit de la mort de Georges Pompidou, ces folles heures au cours desquelles le conseiller politique du président défunt, Pierre Juillet, avait fait forcer le coffre-fort du palais à la recherche d’un éventuel testament politique, en vain.

C’est difficile d’avoir un successeur… Mais fidèle à lui-même, François Hollande n’a rien laissé paraître dimanche soir. Après avoir voté à Tulle, il est rentré à Paris en Falcon pour suivre les résultats dans son bureau, entouré de ses proches collaborateurs, Gaspard Gantzer (communication), Bernard Rullier (Parlement), Jean-Pierre Hugues (directeur de cabinet), Jean-Pierre Jouyet (secrétaire général), Constance Rivière (culture) et Vincent Feltesse, l’ex-conseiller politique parti à la Cour des comptes, revenu pour l’occasion. Egalement présents pour cette étrange soirée : la ministre de la culture, Audrey Azoulay, trois photographes et deux dessinateurs de BD, derniers mémorialistes d’un règne finissant.

Une part de la victoire

M. Hollande est ensuite descendu un moment dans le salon Murat où les membres de son cabinet avaient été conviés à suivre la soirée électorale, devant une collation. Puis il est remonté dans son bureau pour téléphoner à plusieurs responsables, dont le premier ministre, Bernard Cazeneuve. Le président avait appelé Emmanuel Macron dès 20 h 15 pour le féliciter. Il s’exprimera solennellement devant les Français en début de semaine, pour appeler à voter pour le candidat d’En marche ! et « faire barrage à l’extrême droite ». « L’enjeu de ce deuxième tour, c’est que le FN fasse le score le moins élevé possible », confie un proche.

Le chef de l’Etat a constaté avec surprise que Jean-Luc Mélenchon n’avait pas appelé à voter pour le candidat d’En marche !. Il a également pris note de la défaite historique du candidat du PS, Benoît Hamon (6,3 %), qui fait à peine mieux que Gaston Defferre en 1969 (5 %). « Hamon a pâti du vote utile, analyse un proche du président. Et il n’a pas su rassembler. »

Alors que François Hollande a nourri une véritable amertume à l’égard d’Emmanuel Macron, qui lui doit son parcours fulgurant à l’Elysée puis à Bercy, il préfère désormais revendiquer une part de la victoire. « Ce premier tour est une satisfaction pour le président qui voit un ancien ministre, l’un de ses proches, en mesure de remporter la présidentielle », assure un fidèle du chef de l’Etat. « Après cinq ans de hollandisme, le PS n’existe plus et le FN se retrouve au second tour de la présidentielle, quel beau bilan, vraiment ! » préfère ironiser tristement un député socialiste.