Emmanuel Macron au restaurant La Rotonde, à Paris, le 23 avril, au soir du premier tour de l’élection présidentielle. | GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

La soirée électorale du premier tour s’est déroulée, médiatiquement, comme toutes les précédentes. Des hypothèses, du temps mort à meubler en direct depuis les QG des candidats. Puis les résultats, les réactions des militants (extatiques ou colériques), les fêtes ou défaites des candidats et de leurs « gardes rapprochées ».

Arrivé en tête au premier tour avec 23,9 % des voix, Emmanuel Macron, des membres de son mouvement En marche ! et un certain nombre de personnalités l’ont fait à La Rotonde, une brasserie du 6e arrondissement de Paris. Les chaînes de télé en continu qui tournaient autour ont filmé beaucoup de joie et quelques bruits de bouchons de champagne.

Assez pour que naisse une rapide polémique post-premier tour, où il est question d’autosatisfaction, d’accusations de suffisance et des souvenirs d’un 6 mai 2007 et d’une fête de Nicolas Sarkozy au Fouquet’s.

« Damage control » et recontextualisation

Parmi les convives d’Emmanuel Macron vus à la sortie de La Rotonde, des politiques ralliés (Daniel Cohn-Bendit), des acteurs (Pierre Arditi), des chanteuses (Line Renaud) des présentateurs (Stéphane Bern) ou d’anciens conseillers (Jacques Attali). Mais pas de presse, qui a suivi les festivités derrière les vitres de la brasserie, grappillant des informations, comme ce qu’a mangé le vainqueur du soir (asperges, jambon, vin rouge).

Peut-être conscients qu’ils envoyaient un message pas totalement clair en fêtant leur score alors que le second tour face à Marine Le Pen est encore dans deux semaines, les proches de Macron ont tenté de recontextualiser et minimiser la soirée. Du « damage control » de communiquant. Non, ce n’était pas une fête, et non ce n’était pas le Fouquet’s. C’est un lieu fréquenté par des proches de François Hollande, où celui-ci avait célébré sa victoire à la primaire de 2011 (mais au second tour).

Un « proche du candidat présent lors de la soirée » raconte au Parisien qu’il n’y avait « pas une ambiance incroyablement festive » et, surtout, que « ce n’était pas du tout le Fouquet’s ».

Gerard Collomb, maire de Lyon et sénateur du Rhône, parle d’une « soirée vraiment bon enfant » où il y avait « surtout des militants et pas une majorité de people ». Et sort, bizarrement, la même phrase que le proche anonyme : « La Rotonde, si vous permettez, c’est pas totalement le Fouquet’s ». Pour illustrer la différence, il publie la carte de La Rotonde, brasserie haut de gamme certes, mais où on ne sert pas plusieurs types de caviar (même si le café est à 3,50 euros).

Emmanuel Macron aura été moins subtil que ses lieutenants quand, en sortant de la brasserie à 2 heures du matin, des journalistes lui lancent les mots « Fouquet’s » et « Sarkozy », un événement considéré avec le recul comme une balle tirée dans le pied du tout nouveau président et qui plombera son quinquennat :

« Si vous n’avez pas compris que c’était mon plaisir ce soir d’inviter mes secrétaires, mes officiers de sécurité, les politiques, les écrivains, les femmes et les hommes qui depuis le début m’accompagnent, c’est que vous n’avez rien compris à la vie. Donc c’est ce que vous voulez, mais c’était mon moment du cœur, vous voyez ?
Mais je crois qu’au Fouquet’s, il y a pas beaucoup de secrétaires, pas beaucoup d’officiers de sécurité, vous avez vu qui était ici à table. Moi, j’ai pas de leçon à recevoir du petit milieu parisien. »

Ce n’étaient pas les thèmes politiques à analyser qui manquaient, lundi matin : le score du Front national, la disparition des « partis de gouvernement », la répartition territoriale du vote, les hypothèses sur le report des voix… La soirée à La Rotonde a pourtant réussi à se faire une place dans les émissions politiques et les discours des responsables, qu’elle soit défendue par les partisans ou, le plus souvent, utilisée par les adversaires d’Emmanuel Macron pour le critiquer. Le secrétaire national d’Europe écologie-Les Verts, David Cormand, s’est moqué d’un « Fouquet’s de substitution » et le maire Les Républicains de Tourcoing, Gérald Darmanin, a trouvé « indécent de faire la fête au moment où l’extrême droite est au second tour ». Il a évoqué le passé avec Jacques Chirac qui, lui, « n’avait pas fait la fête quand Jean-Marie Le Pen était au second tour ».