Le chiffre est symbolique. En 2016, la dette publique de la zone euro est repassée sous la barre des 90 % du produit intérieur brut (PIB) pour s’établir à 89,2 %, selon les statistiques publiés lundi 24 avril par Eurostat. C’est 1,1 point de moins qu’en 2015. « Après avoir culminé à 92 % en 2014, l’endettement de l’union monétaire enregistre sa deuxième année d’affilée de baisse, commente Howard Archer, économiste chez IHS Global Insight. Cela confirme que l’horizon conjoncturel s’éclaircit », ajoute-t-il, soulignant que les derniers indicateurs d’activité sont au vert. Pour l’ensemble de l’Union européenne, le ratio de dette s’est élevé à 83,5 % du PIB l’an dernier, en baisse de 1,4 point par rapport à 2015.

Dans le détail, les situations des différents Etats sont très contrastées. Sans surprise, la Grèce enregistre toujours l’endettement le plus élevé (179 % du PIB), suivie par l’Italie (132,6 %) et le Portugal (130,4 %), puis Chypre (107,8 %). A l’inverse, l’Estonie (9,5 %), le Luxembourg (20 %) et la Bulgarie (29,5 %) affichent les taux les plus bas. La France, elle, confirme son décrochage face à l’Allemagne. La dette de nos voisins est en effet tombée de 77,5 % à 68,3 % du PIB entre 2013 et 2016, tandis que la nôtre a grimpé de 92,3 % à 96 % sur la même période.

Les évolutions des déficits publics sont plus marquantes encore. Celui de la zone euro s’affichait, en 2016, à 1,5 % du PIB, contre 2,1 % en 2015. C’est très inférieur à la limite de 3 % du PIB imposée par les règles budgétaires européennes. « Si les dettes publiques sont encore au-dessus du seuil européen de 60 % du PIB, la page de la crise est bel et bien tournée du côté des déficits », salue un député européen. En 2010, il culminait ainsi à 6,2 % du PIB dans l’ensemble de la zone euro.

Politiques d’assainissement

Sur les vingt-huit pays de l’Union européenne, seuls quatre affichent encore un déficit supérieur ou égal à 3 % : l’Espagne (4,5 %), la France (3,4 %), le Royaume-Uni (3 %) et la Roumanie (3 %). « Pour le reste, douze pays européens affichent un solde budgétaire à l’équilibre ou excédentaire, y compris la Grèce [+ 0,7 % du PIB], tandis que les autres affichent de faibles déficits », expliquent les experts d’Eurostat.

Le Portugal est ainsi parvenu à réduire le sien de 4,4 % du PIB en 2015 à 2 % en 2016, son plus bas niveau depuis 1974. Déjouant les pronostics de nombre d’observateurs, le gouvernement du socialiste Antonio Costa est parvenu à remettre les finances publiques du pays en ordre, tout en préservant le pouvoir d’achat des Portugais, comme il l’avait promis pendant sa campagne. Il a ainsi revalorisé les petites retraites et certaines allocations sociales. Des mesures notamment financées par une hausse des taxes sur les patrimoines immobiliers supérieurs à 600 000 euros.

Pour le reste, le redressement des comptes publics est le fruit des politiques d’assainissement menées jusqu’en 2015. Si la plupart des pays sont désormais sortis des politiques d’austérité, les dépenses publiques de la zone euro ont en moyenne baissé de 48,5 % à 47,7 % du PIB entre 2015 et 2016. Du fait de sa généreuse protection sociale, la France détient toujours le record en la matière (56,2 % du PIB, en baisse de 0,5 point sur un an), suivie par la Finlande (56,1 %) et le Danemark (53,6 %).

Remontée des taux d’emprunt

Le retour de la croissance a également contribué à la fonte des déficits. L’an dernier, la zone euro a en effet vu son PIB progresser de 1,7 %, soit plus qu’aux Etats-Unis (1,6 %). Mais ce n’est pas tout : la baisse des taux d’intérêt, alimentée par la politique expansionniste de la Banque centrale européenne (BCE), a aussi aidé. Selon la Cour des comptes, 40 % de la réduction du déficit public français enregistrée depuis 2011 tient à la seule baisse des taux d’emprunt.

Toute la difficulté est que ces derniers ont commencé à remonter. Et leur hausse devrait accélérer en 2018. Motif : l’économie européenne va mieux et les perspectives d’inflation se redressent, tandis que la Banque centrale européenne devrait peu à peu réduire ses soutiens monétaires dès l’an prochain. Si pour l’instant, il n’y a pas d’inquiétude à avoir, les Etats les plus endettés, notamment l’Italie et le Portugal, pourraient se retrouver en difficulté. « La question de la soutenabilité des dettes publiques, comme le débat sur leur allégement ou leur mutualisation, pourraient alors ressurgir », prévient Patrick Artus, économiste chez Natixis.