Le secrétaire à la défense américain, James Mattis, et sa conseillère Sally Donnelly arrivent à Kaboul en hélicoptère, lundi 24 avril. | JONATHAN ERNST / AP

En visite surprise à Kaboul, lundi 24 avril, le secrétaire à la défense américain, James Mattis, a mis en garde la Russie contre un soutien militaire aux talibans. Le même jour, un responsable américain présent dans la capitale afghane a déclaré à la presse que la Russie fournissait une aide financière et des armes aux insurgés, notamment des mitrailleuses, dans trois provinces du pays. Des informations que n’a pas démenties le commandant des forces armées américaines en Afghanistan, John Nicholson.

« Nous engagerons un dialogue diplomatique avec la Russie, a ensuite déclaré M. Mattis. Nous le ferons où nous pouvons, mais il nous faudra nous confronter à la Russie là où elle agit à l’encontre du droit international et là où elle enfreint la souveraineté des Etats. » Le chef du Pentagone a précisé que l’acheminement d’armes depuis un pays étranger vers l’Afghanistan caractériserait « une violation du droit international ».

Une armée afghane minée par la corruption

Une heure avant l’arrivée de James Mattis à Kaboul, la présidence a annoncé le limogeage du ministre de la défense afghan, Abdullah Habibi, et du chef d’état-major de l’armée, le général Qadam Shah Shahim. Ces sanctions interviennent trois jours après l’attaque par les talibans d’une base militaire à Mazar-e-Charif, dans le nord du pays, qui a tué au moins 140 soldats afghans. Une dizaine d’assaillants, dont quatre étaient infiltrés au sein des forces armées, ont pénétré la base habillés en uniforme militaire. Pendant cinq heures, ils ont tiré sur des soldats prenant leur repas ou quittant la mosquée après la prière du vendredi.

Les autorités ont été vivement critiquées pour leur incapacité à assurer la protection des citoyens et des bases militaires et à prévenir la multiplication des attaques au cours des derniers mois. Le pays s’interroge également sur la capacité de l’armée afghane, minée par la corruption et les problèmes de leadership, à résister à la progression des talibans. Le gouvernement de Kaboul ne contrôle plus que 58 % des districts du pays.

Engagés en Afghanistan depuis 2001, le plus long conflit de leur histoire, les Etats-Unis réévaluent leur stratégie. Le conseiller américain à la sécurité nationale, le général H.R. McMaster, a été le premier responsable de l’administration Trump à faire escale, le 16 avril, à Kaboul. En février, le général John Nicholson a estimé qu’il faudrait quelques milliers d’hommes supplémentaires pour venir à bout de l’insurrection.

Des intérêts qui « coïncident »

La Russie prône au contraire une reprise du dialogue avec les talibans, dont les intérêts « coïncident », selon le terme employé par le diplomate russe Zamir Kaboulov, avec ceux de Moscou dans la lutte contre les djihadistes de l’organisation Etat islamique. Sa branche locale disposerait de 800 à 1 000 combattants dans deux provinces, pour la plupart issus des rangs du mouvement taliban pakistanais du Tehrik-e-Taliban Pakistan.

« Les talibans ont abandonné le djihad mondial et sont devenus une force nationale », a estimé M. Kaboulov quelques semaines avant l’organisation d’une conférence internationale sur l’Afghanistan, le 14 avril, à laquelle les Etats-Unis n’ont pas participé. Moscou a plaidé pour la levée des sanctions des Nations unies contre certains chefs talibans et soutient la demande des insurgés d’un départ des troupes étrangères du pays. Plusieurs diplomates occidentaux l’accusent de vouloir en réalité saboter une éventuelle paix de l’OTAN en Afghanistan.