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Les clignotants repassent au vert. Le marché mondial de la musique a affiché une croissance de 5,9 % en 2016, à 15,8 milliards de dollars (14,4 milliards d’euros), selon le rapport mondial Global Music Report, publié mardi 25 avril par la Fédération internationale de l’industrie phonographique (l’IFPI).

Après quinze années de sérieux marasme, l’embellie se confirme depuis deux ans. Grâce à l’explosion du streaming (+ 60,4 %) notamment dans des pays en développement comme la Chine, l’Inde ou le Mexique, et avec 112 millions d’abonnés payants dans le monde, les revenus du numérique représentent désormais la moitié du chiffre d’affaires mondial de la musique. Cet essor compense l’érosion inéluctable des téléchargements, mais surtout des supports physiques (– 7,6 %, à 5,4 milliards de dollars), même si les CD restent encore particulièrement importants dans certains marchés majeurs comme le Japon ou l’Allemagne.

« Concurrence déloyale »

Ces chiffres ont de quoi redonner le sourire aux grands patrons mondiaux de la musique. Ceux-ci redoutent pourtant que cette dynamique de croissance soit bridée et n’ont jamais été aussi remontés contre YouTube. D’une seule voix, les majors accusent la filiale de Google de ne pas payer la musique à son vrai prix.

Le groupe américain s’abrite derrière son statut d’hébergeur pour assurer qu’il n’est pas responsable de la musique distribuée sur son site. YouTube, « qui a développé des plates-formes musicales à la demande sophistiquée utilise cette zone d’incertitude juridique comme bouclier pour éviter de négocier des licences avec les producteurs dans des conditions équitables », déplore Frances Moore, la directrice générale de l’IFPI. Cette situation « détourne les revenus du marché de la musique numérique et entrave son développement », poursuit-elle. Parallèlement, cela crée, selon elle, une « concurrence déloyale » pour des acteurs comme Spotify, Deezer ou Apple Music.

Les chiffres du Global Music Report sont sans équivoque. Si plus de 900 millions d’internautes dans le monde écoutent de la musique sur YouTube, l’entreprise n’a reversé aux ayants droit que 553 millions de dollars, issus de recettes publicitaires.

« Ce sera un modèle » pour le monde entier

Or, avec une base d’abonnés bien plus réduite (272 millions), les autres plates-formes de streaming audio (payant et financé par la publicité) contribuent pour 3,9 milliards de dollars de licences à l’écosystème musical. Pour chacun de ses utilisateurs, Spotify a ainsi reversé 20 dollars aux maisons de disques en 2015, là où YouTube a accordé moins de 1 dollar.

Bon nombre d’artistes comme Katy Perry, Taylor Swift ou Carole King ont demandé en 2016 au Congrès américain de réformer le système de la loi Digital Millennium Copyright Act, qui permet à YouTube de payer aussi peu. Paul McCartney, David Guetta, Sting ou Coldplay ont demandé à l’Europe de corriger le tir.

Sur ce dossier, le Vieux Continent est en avance. La Commission européenne a déjà reconnu que cette « distorsion de marché » nécessite une solution législative et a proposé une réforme dans la révision de la directive des droits d’auteur, actuellement sur les bureaux du Parlement et du Conseil de l’Union européenne. « Le marché regarde attentivement ce qui va se passer à Bruxelles, ce sera un modèle » pour le monde entier, assure Michael Nash, responsable de la stratégie numérique chez Universal Music Group.

« L’essor du streaming n’a pas été homogène »

« On ne peut pas attendre que le marché continue à croître grâce au bond du streaming », tempère Stu Bergen, PDG chargé de l’international et des services commerciaux de Warner Music Group.

Pour assurer une croissance durable au secteur, les professionnels parient plus que jamais sur l’innovation. Ces derniers évoquent la réalité augmentée ou la technologie de commande vocale à partir des enceintes connectées pour développer l’audience du streaming. Tous deux pensent aussi qu’il est temps d’écouter de la musique non plus seulement sur un téléphone portable, mais de la faire revenir dans les salons ou encore dans les voitures.

« Jusqu’à présent, l’essor du streaming n’a pas été homogène. Il s’est surtout imposé dans certains genres et chez une population jeune », souligne le PDG de Concord Music Group, Glen Barros, qui espère que le public plus âgé ne restera pas au bord du chemin.

« Nous rencontrons de nombreuses start-up qui réfléchissent aussi à la meilleure façon d’intégrer la musique ou la vidéo musicale dans leurs applications ou messageries sociales, pour développer de nouveaux usages », assure Ole Obermann, directeur général numérique chez Warner Music. Autant d’initiatives qui doivent pérenniser la croissance retrouvée du secteur.