Le premier ministre hongrois Viktor Orban lors de la cession plénière du parlement européen à Bruxelles le 26 avril. | ERIC VIDAL / REUTERS

Viktor Orban était venu à Bruxelles pour « défendre [son] pays », la Hongrie. Il l’a fait sur tous les tons et est reparti apparemment satisfait et « fier », alors qu’il avait essuyé un flot de critiques, souvent virulentes, à peine compensées par le soutien que lui ont manifesté quelques extrémistes de droite et celui, très mitigé, du groupe conservateur du Parti populaire européen (PPE), auquel il appartient.

Le premier ministre hongrois, participait, mercredi 26 avril, à une séance plénière du Parlement européen. Un peu plus tôt, la Commission européenne avait annoncé l’ouverture d’une « procédure d’infraction » contre son pays au sujet de la nouvelle loi sur l’enseignement supérieur qu’il a adoptée. Il s’agit d’une première étape qui peut conduire la Hongrie devant la Cour de justice de l’Union européenne.

Censée mettre fin à « des privilèges » et s’appliquer à tous les instituts étrangers d’enseignement, elle vise en fait directement l’Université d’Europe centrale (CEU), créée en 1991 à Budapest par le milliardaire américain George Soros, d’origine hongroise.

Prudence de la Commission européenne

Celui-ci devait être reçu, jeudi 27 avril, par le président de la Commission, Jean-Claude Juncker. A la fureur de M. Orban, qui accuse le financier, devenu son ennemi, d’avoir « détruit la vie de millions d’Européens » en spéculant sur leur appauvrissement, et de soutenir les rivaux du Fidesz, le parti au pouvoir. « Il est étonnant qu’on reçoive une telle personne », a-t-il déclaré.

Au sujet de la procédure ouverte contre son pays, l’homme qui se présente comme le dirigeant de la « droite des droites » évoque « des préjugés », et juge « absurde » l’idée d’une menace pesant sur une université très renommée. Il se dit toutefois « prêt à discuter » avec le collège européen, qu’il juge « raisonnable ». Il lui répondra de manière circonstanciée dans un mois, se montrant en apparence plus conciliant que le gouvernement ultraconservateur polonais également dans le collimateur de Bruxelles.

La Commission a un peu accentué la pression sur Budapest mais reste prudente. Le premier vice-président, Frans Timmermans, estime que le droit communautaire est violé et la liberté académique menacée. Il déplore aussi la consultation « Arrêtons Bruxelles » qui, à coups d’arguments et de faits tronqués, présente à la population hongroise une image fausse des politiques de l’UE. Les récents textes sur l’asile ou sur le contrôle des ONG sont d’autres sujets qui inquiètent la Commission et qui pourraient entraîner des sanctions. A ce stade, l’instance se limite toutefois à une lettre de mise en demeure, en vue d’obtenir des explications détaillées.

« Nous ne donnons pas d’ordres à nos partenaires, mais nous ne voulons pas qu’ils nous obligent à prendre des décisions dont nous ne voulons pas », a expliqué M. Orban au cours d’une conférence de presse qui a suivi le débat. D’autant qu’il entend, dit-il, « réformer l’Europe, corriger ses erreurs pour retrouver la confiance des peuples ». Il ne cédera donc en aucune manière sur la question des réfugiés et des migrants vers laquelle, dit-il, « tout converge ».

« Brûlerez-vous des livres ? »

Mercredi, les groupes socialiste et libéral au Parlement européen ont réclamé des sanctions vigoureuses. Le premier demande l’application de l’article 7 du traité de l’UE, qui peut priver un Etat de certains de ses droits. Le second, par la voix de son président, Guy Verhofstadt, reproche au dirigeant hongrois de vouloir l’argent de l’Europe tout en rejetant ses valeurs. Et se demande, dès lors, s’il ne devrait pas quitter l’UE. « Jusqu’où irez-vous, la fois prochaine ? Brûlerez-vous des livres ? », a lancé M. Verhofstadt au premier ministre, le taxant de « paranoïaque qui voit des ennemis partout, comme Staline ou Brejnev ».

Les sociaux-démocrates voudraient que le Hongrois soit exclu ou à tout le moins suspendu du PPE. Le débat y a été vif quand M. Orban avait fait adopter sa loi sur les universités étrangères, début avril.

Mais après le lancement de la procédure d’infraction, et l’engagement qu’aurait pris M. Orban de respecter les recommandations de la Commission si elle conclut à une violation du droit européen, la pression sur le premier ministre semble retombée au PPE. Samedi 29 avril, les membres du groupe conservateur au Parlement doivent avoir une réunion préparatoire avant le sommet sur le Brexit, qui a lieu le même jour. « Orban va se faire tirer l’oreille, on va lui dire qu’on en a assez, qu’il faut qu’il arrête de marquer contre son camp, mais pas question de l’exclure », explique une source parlementaire.

L’argument des conservateurs reste identique : M. Orban est plus facile à contrôler dans la famille qu’en dehors – propos déjà entendu quand le premier ministre hongrois avait évoqué un possible rétablissement de la peine de mort dans son pays, en 2015.

Plus prosaïquement, le PPE ne veut pas se séparer de douze élus du Fidesz alors qu’il ne dispose que de vingt-sept sièges d’avance sur les sociaux-démocrates dans l’hémicycle.