Plate-forme BP en mer du Nord, en février 2014. | ANDY BUCHANAN / AFP

La réduction drastique des investissements dans l’exploration pétrolière en 2015-2016 a eu une conséquence immédiate : les découvertes de brut conventionnel sont tombées à 2,4 milliards de barils l’an dernier, contre une moyenne annuelle de 9 milliards depuis 2000, indique l’Agence internationale de l’énergie (AIE) dans un rapport publié jeudi 27 avril. Un niveau qui n’a jamais été aussi bas depuis soixante-dix ans.

Les compagnies n’ayant pas relancé leurs « capex » (dépenses en capital) dans l’exploration-production, la tendance se poursuivra en 2017, s’inquiète cette institution dépendant de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

En outre, le nombre des nouveaux projets ayant obtenu une décision finale d’investissement n’a jamais été aussi faible que depuis la fin des années 1940 puisque ces projets ne portent que sur 4,7 milliards de barils. Loin des 21 milliards de barils de 2014, l’année où les « capex » dans l’exploration-production avaient atteint un record historique.

Projets approuvés (en bleu) Ressources découvertes (en rouge) | Agence internationale de l'énergie et Rystad

Effondrement des prix du brut

Cette baisse de l’investissement est directement liée à l’effondrement des prix du brut, tombés de 115 dollars (106 euros) mi-2014 à 50 dollars aujourd’hui, avec des creux à 30-40 dollars début 2016. Avant que l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) et la Russie ne s’entendent, fin 2016, sur une réduction de leur production de 1,8 million de barils par jour pour faire remonter les cours.

Cette frilosité des pétroliers « entraîne une inquiétude supplémentaire sur la sécurité énergétique globale alors que les risques géopolitiques augmentent dans de grands pays producteurs, comme le Venezuela », note l’AIE.

L’investissement en mer du Nord, relancé grâce à un baril à plus de 100 dollars, est tombé en 2016 sous la barre des 25 milliards de dollars, soit environ la moitié de son niveau de 2014. Un investissement qui n’est pas très éloigné des 20 milliards de capitaux mobilisés l’an dernier dans cette région pour déployer les parcs éoliens en mer, note l’AIE.

Par ailleurs, la part du pétrole extrait en eaux profondes (golfe de Guinée, golfe du Mexique, Brésil…) est en très net repli : en 2016, il n’a représenté que 13 % des projets approuvés, loin de la moyenne de 40 % constatée au cours des quinze années précédentes. Les projets de « deep offshore » sont devenus trop coûteux et les compagnies privilégient désormais les gisements moins gourmands en capitaux.

La dépression du secteur dit « conventionnel », où le pétrole est piégé dans des réservoirs naturels, contraste avec la résilience de l’industrie américaine des huiles de roche mère, présentes dans les couches géologiques, comme les pétroles de schiste (shale oil). « L’investissement y a nettement rebondi et la production a augmenté, soutenus par une réduction des coûts de 50 % depuis 2014 », constatent les experts de l’AIE.

Un marché en surcapacité

Dans le bassin permien de l’ouest du Texas, il est désormais rentable de pomper quand le baril est à 40-45 dollars sur le marché, contre 90 dollars en 2014. Depuis, les compagnies ont notamment mis au point des techniques permettant d’allonger les puits horizontaux et de produire ainsi plus de brut par puits. Au total, les shale oil ont fait grimper la production totale des Etats-Unis à 9,265 millions de barils par jour, son plus haut niveau depuis août 2015.

Le marché est actuellement en surcapacité et les énormes stocks accumulés ces dernières années dans les pays producteurs, notamment aux Etats-Unis, se résorbent trop lentement. Mais « la question-clé pour l’avenir du marché pétrolier est de savoir combien de temps la hausse de l’offre de pétrole de schiste américain compensera le ralentissement de la croissance des autres secteurs pétroliers [offshore profond, sables bitumineux…] », s’interroge Fatih Birol, le directeur exécutif de l’AIE.

La réponse de l’agence est clairement que le déséquilibre du marché approche. Pour M. Birol, la pénurie d’or noir – et donc une forte remontée des cours – se profile dès 2020. Cette analyse est partagée par Khaled Al-Faleh, le ministre saoudien du pétrole.

En revanche, Rex W. Tillerson n’affichait pas un tel pessimisme quand il était PDG d’ExxonMobil, avant de devenir secrétaire d’Etat du président américain Donald Trump. « Ne pariez jamais contre la créativité et la ténacité de ce segment de notre industrie », prévenait-il en octobre 2016, à Londres, devant la conférence Oil & Money, vantant les facultés d’adaptation des compagnies exploitant les huiles de schiste.

Mais on ne voit pas d’où viendront les barils manquants. Dans les gisements conventionnels arrivés à maturité, la déplétion naturelle est en effet de 5 % par an si l’on n’y investit pas pour en maintenir au moins le niveau de production. Et il faudra répondre à une hausse de la consommation, qui devrait être en moyenne de 1,2 million de barils par jour au cours des cinq prochaines années, estime l’AIE. Pour l’heure, les conditions sont réunies pour qu’apparaissent de fortes tensions sur la demande et les prix à l’horizon 2020.