Tom Duquesnoy, le 7 février à Paris. | FRANCOIS GUILLOT / AFP

« Vous allez poster l’article sur les réseaux sociaux ? » Tom Duquesnoy est une marque. Il a une image à entretenir et des fans à nourrir : 70 000 sur Twitter, 100 000 sur Instagram, 200 000 sur Facebook. Peu connu du grand public dans son pays natal, le combattant français de 23 ans est l’une des étoiles montantes du MMA (mixed martial arts ou arts martiaux mixtes), sport de combat combinant plusieurs disciplines, encore interdit en France, mais de plus en plus populaire dans le reste du monde.

Installé aux Etats-Unis depuis trois ans, le petit prodige fait un bref passage à Paris pour se prêter au jeu des questions-réponses avec les journalistes. Les vacances en Italie attendront encore un peu. « J’ai cinq jours pour manger du média. J’aime bien. Et puis c’est une facette du métier incontournable », explique le poids coq (moins de 61 kg) devant une tasse de thé vert. Avec sa bouille de gendre idéal et son mètre soixante-dix, Tom Duquesnoy passe plus facilement pour un jeune premier que pour un gladiateur des temps modernes. Mais, à y regarder de plus près, ses épaules surdéveloppées et une fine cicatrice à l’arcade racontent une autre histoire.

« Martial artist »

Samedi 15 avril, à Kansas City (Missouri), le Frenchie a fait ses premiers pas dans l’octogone de l’UFC (Ultimate Fighting Championship), la plus grande ligue de MMA. Une entrée fracassante. Et une victoire logique face à Patrick Williams, 35 ans, un ancien lutteur qui n’avait pas combattu depuis 2015. Au début du deuxième round, le « Fire Kid » fait mouche avec une série de coups de coude au visage. L’Américain est au sol, il perd par K.-O. technique. Comme à chaque fois qu’il gagne, Tom Duquesnoy conclut le spectacle d’un grand écart à la Jean-Claude Van Damme. Le public est aux anges.

Bilan : 40 000 dollars de prime et l’équivalent en contrats de sponsoring. Un gain promis à être doublé à chaque combat. « La performance sportive est un prétexte pour mettre en avant le côté business et marketing », résume le natif de Lens (Pas-de-Calais). « Les personnes qui suivent l’UFC ne connaissent pas forcément toutes les subtilités techniques du MMA. Ils payent pour voir des K.-O. J’ai orienté mon style pour répondre à leurs attentes. » En pratique, cela donne 15 victoires, dont 8 par K.-O., pour une seule défaite.

Celui qui se considère comme un « martial artist » a vite compris qu’il avait tout intérêt à surjouer la carte du petit Français venu se faire une place au soleil. Son coach, Bourama Traoré, confirme : « Tom est un garçon extrêmement mature pour son âge. Il a su se forger une image bankable en adéquation avec l’homme qu’il est réellement. » Dans un univers où le « trash talking » n’est pas rare, Duquesnoy se voit plutôt « comme un samouraï, calme et respectueux de [s] es adversaires ». Il lui arrive même, dit-il, d’envoyer un SMS à un rival expédié au tapis pour prendre de ses nouvelles. « On reste humain… J’essaye avant tout de véhiculer un beau message. »

Tom Duquesnoy vs Patrick Williams Full Fight
Durée : 07:10

« Pas du tout bourrin »

Enfant unique, Tom Duquesnoy est élevé par son père, cadre commercial, « la personne la plus importante dans ma vie ». Père et fils découvrent le MMA en louant des vidéos de la Pride FC (la ligue japonaise) et de l’UFC. A 10 ans, pour imiter le colosse russe Fedor Emelianenko, il s’inscrit au sambo (un sport de combat russe). « Très vite, j’ai su qu’à 18 ans je me tournerais exclusivement vers le MMA. » En attendant, l’adolescent ajoute des cordes à son arc : boxe anglaise, savate, lutte, ju-jitsu… Papa Duquesnoy propose un deal à son rejeton : s’il obtient son bac, il lui paye un an « d’études » de MMA à Paris. Le diplôme en poche (section L), Tom trace sa route.

« Je suis passé professionnel à 18 ans et, après sept combats, l’UFC me faisait déjà des propositions. » Trop tôt. Il décline. Méthodique et patient, Tom Duquesnoy suit « [s] on plan de carrière » et devient double champion, poids plume et coq, du Bamma (la principale ligue européenne, basée à Londres). « On ne peut pas parler d’un don, ce n’était pas inné, nuance Bourama Traoré. Derrière chaque K.-O., il y a des heures et des heures d’entraînement. » « C’est un gros bosseur, confirme son sparring-partner et ami Staiv Gentis. Il a compris l’essence de toutes les disciplines qui forment le MMA. C’est ce qui fait de lui un combattant ultra-complet. Il avait des problèmes d’appui, mais il a beaucoup travaillé là-dessus. Désormais, il arrive à être puissant tout en restant souple. Il a un style très félin, pas du tout bourrin. »

Fan d’opéra

Tom Duquesnoy est un cérébral, de ceux qui prennent le temps de construire leurs combats pour ne pas trop s’exposer et saisir le moment opportun pour l’emporter. Une technique qui ne permet pas d’éviter tous les coups. Il relativise : « C’est un sport assez safe. Il n’y a jamais eu de mort, contrairement au rugby ou au football américain. » En France, les compétitions d’arts martiaux libres sont toujours interdites. Résigné, il lâche : « On a toujours dix ans de retard de toute façon… »

Pour lui, sa discipline est un art de vivre, presque une philosophie. « Je suis avant tout un homme qui a un parcours initiatique à accomplir, ça passe par le MMA, mais aussi par les voyages, la méditation, l’art… J’ai besoin de nourrir mon âme et mes sens pour me transcender. » L’homme aux arcades multi-éclatées a l’oreille sensible : fan d’opéra, il va profiter de son passage à Paris pour aller voir La Fille des neiges et Wozzeck. En ce moment, il revoit tous les films de Marlon Brando et écoute des livres audio de Deepak Chopra, « gourou » indien de la santé spirituelle. « Je suis gémeaux, le signe de la découverte et de l’évasion, ce n’est pas pour rien. » Alors, bien sûr, Tom Duquesnoy vise la ceinture, mais son but est avant tout de continuer à évoluer techniquement et humainement. « Tout cela est rendu possible par le MMA. Ce sport est un prétexte, une opportunité pour améliorer sa vie. »

Tom Duquesnoy célèbre sa victoire face à l’Américain Patrick Williams, le 15 avril, à Kansas City. | JAMIE SQUIRE / AFP