L’entrée de la grotte préhistorique Vindija Cave, en Croatie. | Johannes Krause / AP

Grâce à une nouvelle technique, des scientifiques sont parvenus à isoler pour la première fois de l’ADN humain et animal dans des sédiments, en l’absence de tout ossement fossilisé. Publiée jeudi 27 avril dans la revue américaine Science, cette étude s’est appuyée sur l’analyse de 85 échantillons de sédiments datant du pléistocène, une période s’étendant de 550 000 ans à 14 000 ans avant notre ère, prélevés dans huit grottes en Belgique, Croatie, France, Russie et Espagne.

Ces sites archéologiques déjà connus ont été occupés par des cousins disparus de l’homme moderne, les néandertaliens et les denisoviens et par toutes sortes d’animaux aujourd’hui éteints.

« Ces travaux représentent une avancée scientifique importante car ils permettent de dire quelles espèces d’hominidés ont occupé ces grottes et à quelle période et ce sans même disposer de restes d’ossements ou de squelettes fossilisés », explique Antonio Rosas, un scientifique du Conseil supérieur des recherches scientifiques (CSIC) en Espagne, l’un des principaux auteurs de cette étude.

Une avancée possible grâce au séquençage rapide

Cette nouvelle méthode s’appuie sur l’analyse de fragments d’ADN mitochondrial, transmis par la mère et qui est le plus abondant. « C’est un peu comme si on découvrait qu’il est possible d’extraire de l’or de la poussière en suspension dans l’air », a renchéri Adam Siepel, un généticien au laboratoire national Cold Spring Harbor près de New York, qui n’a pas participé à ces travaux.

Encore récemment, la seule façon d’étudier les gènes des hominidés anciens était d’extraire de l’ADN d’ossements ou de dents fossilisés. Mais ces fossiles sont rares et difficiles à trouver, ce qui a fortement limité la recherche sur les lieux où ils vivaient et l’étendue géographique de leur présence.

Pour les denisoviens, les uniques ossements et dents dont disposent les scientifiques proviennent d’une seule grotte, en Sibérie.

La nouvelle technique de détection de l’ADN dans les sédiments a été rendue possible seulement ces dernières années, grâce aux avancées technologiques, notamment le séquençage rapide. En l’absence d’ossements fossilisés, les différentes couches de sédiment du sol sont riches en ADN – laissé par la décomposition des corps, les excréments et d’autres fragments de l’organisme– qui permet de déterminer quels groupes d’hominidés occupaient ces différents lieux et à quel moment.

Des informations génétiques sur les animaux présents sur les sites

Ainsi sur le site denisovien en Sibérie, où l’homme de Néandertal a également séjourné, les chercheurs ont pu, grâce à cette technique, découvrir en fonction des couches sédimentaires les différentes époques d’occupation de la grotte par ces deux groupes. Cette technique permet aussi de recueillir les informations génétiques sur les différents animaux présents sur ces sites.

« Cet ADN de la mégafaune peut renseigner sur le régime alimentaire des néandertaliens et des denisoviens », explique Carles Lalueza Fox, un chercheur de l’Institut de biologie de l’évolution à l’université Pompeu Fabra de Barcelone en Espagne, l’un des auteurs de l’étude.

Les chercheurs ont pu par exemple déterminer que la grotte d’El Sidron dans le nord de l’Espagne – où ont été auparavant découverts les ossements d’au moins treize néandertaliens d’âge et de sexe différents, datant de quelque 49 000 ans – était le seul des huit sites étudiés où aucun ADN animal n’a été identifié.

En revanche, l’ADN mitochondrial de douze différentes familles d’animaux préhistoriques a été trouvé dans les sept autres grottes. Les plus fréquents proviennent de mammifères de la famille des hyènes, des bovins, des chevaux, des cervidés et des chiens. Dans certains échantillons de sédiment, ces chercheurs ont retrouvé des fragments d’ADN du mammouth laineux disparu il y a quelque 4 000 ans. Ils ont aussi découvert de l’ADN de rhinocéros qui correspond à l’espèce laineuse éteinte voilà moins de 30 000 ans.

Enfin, ces chercheurs ont recueilli de l’ADN dans une grotte de Croatie qui coïncide avec celui de la lignée des ours des cavernes en Europe de l’Est dont l’extinction remonte à 25 000 ans.