Investir dans une petite ou moyenne entreprise ou faire un don à des associations et fondations procure, à certaines conditions, des réductions de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Ces deux ristournes fiscales héritées du quinquennat Sarkozy constituent une manne financière : environ un milliard d’euros afflue chaque année au capital des PME par le dispositif « ISF PME » ; et 220 millions ont atterri dans les caisses des fondations et associations en 2015 avec l’« ISF dons ».

Alors forcément, toute remise en cause de l’ISF préoccupe ces secteurs. Si Marine Le Pen n’a pas l’intention de changer le dispositif, Emmanuel Macron propose, lui, de le remplacer par l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), « vraisemblablement en 2019 », selon son équipe. Celui-ci fonctionnerait comme son prédécesseur, sauf qu’il ne reposerait que sur le patrimoine immobilier.

La réduction ISF PME (50 % du montant investi, jusqu’à 45 000 euros pour un investissement direct et 18 000 euros par des fonds spécifiques) serait « probablement supprimée », au motif qu’il « serait étrange de garder une réduction destinée, à sa création, à alléger l’ISF pesant sur les investissements dans le capital des entreprises, alors que l’ISF disparaît totalement sur ces investissements ».

L’impact pour les petites et moyennes entreprises

« Il ne devrait pas, au final, y avoir de pertes en matière de financement des PME », affirme le porte-parole d’Emmanuel Macron. Car l’ISF PME serait, à ses yeux, compensé par trois facteurs :

Premièrement, les investissements dans les PME ne seraient plus soumis à l’ISF. Deuxièmement, le « compte PME innovation », dispositif permettant à ceux qui vendent des titres pour réinvestir dans de jeunes PME de reporter l’imposition de leurs plus-values, serait assoupli, pour qu’il soit davantage utilisé. Troisièmement, l’équipe s’attend à un report des contribuables vers la réduction d’impôt sur le revenu accordée en cas d’investissement dans une PME.

Cette niche fiscale serait, elle, conservée sans être toutefois forcément étendue. Pas question en tout cas, nous précise-t-on, de relever drastiquement son plafond, comme le prévoyait François Fillon, « nous risquerions l’inconstitutionnalité ».

« On ne peut mesurer l’impact en matière de comportements, mais on peut supposer que, effectivement, une grande partie des financements subsisterait », réagit Gérard Orsini, spécialiste fiscal à la Confédération des PME.

Crainte de « pertes significatives pour le financement des PME »

En revanche, les arguments d’En marche ! ne convainquent pas Geoffroy Roux de Bézieux, vice-président du Medef : « L’ISF PME est un dispositif ciblé, qui fonctionne bien. Si, en compensation, on ne relève pas le plafond de la réduction d’impôt sur le revenu accordée pour les investissements PME, nous craignons des pertes significatives pour le financement des PME, même si elles ne sont pas chiffrables, explique-t-il. Et nous ne pensons pas qu’un assouplissement du compte PME innovation atteindrait le but visé. »

« Le compte PME innovation a une cible moins large que l’ISF PME, renchérit Laure Delahousse, de l’Association française de gestion. Et ne présente pas le même niveau d’incitation : d’un côté vous avez un sursis d’imposition de plus-values, de l’autre une réduction d’ISF de 50 %. »

Le projet est accueilli bien plus favorablement par l’association d’entrepreneurs et d’investisseurs du numérique France Digitale : « Nous préférons une fiscalité de droit commun compétitive plutôt qu’une fiscalité basée sur des niches, lance Jean-David Chamboredon, son coprésident. L’ISF PME a peu d’impact sur le financement des PME des secteurs innovants. Un particulier cherche souvent l’investissement défiscalisant le moins risqué possible, il investit rarement dans les secteurs innovants. A la différence d’un investisseur motivé par la plus-value plutôt que par l’impact fiscal. Tout cela doit s’accompagner d’un changement culturel quant à la fiscalité de l’épargne : à ce jour, on bénéficie d’une fiscalité souvent plus favorable en investissant sans risque qu’en prenant des risques, ce devrait être l’inverse. »

Une réduction « dons » inchangée

Quant à l’ISF dons, il serait maintenu, assure l’équipe de M. Macron. L’enjeu ? « Les dons ISF représentent en moyenne 10 % de la collecte auprès des particuliers, et pour certaines fondations cela peut aller jusqu’à 80 % », explique Françoise Sampermans, présidente de France générosités, syndicat d’associations et de fondations. Et selon un sondage publié par les Apprentis d’Auteuil, la possibilité de déduire de l’ISF 75 % de ses dons (dans la limite de 50 000 euros) est « déterminante » pour 68 % de ceux qui donnent plus de 1 000 euros par an.

Quel impact si le projet de M. Macron se concrétisait ? D’une part, qui dit forte diminution de l’assiette de l’impôt (le candidat prévoit un montant moyen d’ISF divisé par deux et l’exonération de milliers de foyers) dit moindre besoin de défiscaliser, donc moins de dons. Mais l’ISF dons ne serait, d’autre part, plus en concurrence avec l’ISF PME. Pour En marche ! cette seconde mécanique couplée à un report de certains dons ISF sur la réduction d’impôt sur le revenu en faveur des dons, compenserait la première.

Une logique qui parle à Béatrice de Durfort, déléguée générale du Centre français des fonds et fondations : « Nous sommes aujourd’hui au niveau de l’ISF en concurrence avec un produit plus attractif que le don. Quelqu’un qui investit dans une PME peut espérer récupérer sa mise, voire réaliser une plus-value, alors qu’un don est un renoncement. Après, rien n’est mathématique, nous ne pouvons pas prévoir les réactions, nous ne pouvons qu’espérer que les contribuables qui détestent payer l’ISF seraient sensibles à l’intérêt général et concentreraient leur effort sur l’ISF dons. »

« Je ne pense pas que ce serait compensé à 100 %, ajoute de son côté Mme Sampermans. C’est pourquoi, si M. Macron est élu, nous proposerons des mécanismes visant à compenser les pertes. On peut imaginer une hausse du plafond de la réduction d’ISF, couplée, par exemple, à un dispositif de défiscalisation des droits de succession en cas de don. L’objectif est de cibler les plus aisés, pour ne surtout pas perdre les grands philanthropes dont l’intérêt a été éveillé par la loi Tepa, qui a instauré, en 2007, l’ISF dons et l’ISF PME. »