Des militaires du  291e Jägerbataillon, en 2012 à Illkirch. | FREDERICK FLORIN / AFP

Une « histoire absolument hors du commun ». C’est ainsi que la porte-parole du parquet de Francfort a qualifié, jeudi 27 avril, une affaire impliquant un soldat allemand arrêté la veille lors d’un stage de formation à Hammelburg (Bavière) et soupçonné de vouloir préparer un attentat.

Agé de 28 ans, ce lieutenant du 291e Jägerbataillon, une unité d’infanterie de la Bundeswehr faisant partie de la brigade franco-allemande et basée à Illkirch, près de Strasbourg, avait été repéré, le 3 février, alors qu’il venait de récupérer un revolver dissimulé dans les toilettes de l’aéroport de Vienne, en Autriche. A l’époque, il s’en était sorti avec une simple condamnation pour « infraction à la législation sur les armes », les autorités autrichiennes n’ayant pas jugé nécessaire de le placer en détention.

En s’intéressant à lui, les enquêteurs allemands ont toutefois découvert une tout autre réalité. Le jeune Allemand n’avait pas une mais deux identités, la seconde – totalement inventée – étant celle d’un réfugié syrien qui prétendait avoir dû fuir Damas où, racontait-il, il vendait des fruits et des légumes. Dans cette autre vie, le jeune homme s’en était plutôt bien tiré. En 2016, l’Allemagne lui avait en effet accordé le droit d’asile, et le Land de Bavière, où il était enregistré, lui versait depuis, à ce titre, une indemnité mensuelle de 409 euros par mois. Pendant des mois, il aurait ainsi fait la navette entre sa caserne, en France, et le foyer où il avait obtenu une place, en Allemagne, sous sa fausse identité de réfugié syrien.

Messages à caractère xénophobe

Comment « David Benjamin », c’était le nom qu’il s’était choisi comme réfugié, a-t-il pu obtenir l’asile ? Apparemment, le fait qu’il ne parle pas arabe n’a pas éveillé les soupçons. C’est en français, a-t-on appris jeudi, qu’il a fait ses démarches. Dans l’histoire qu’il s’est inventée, sa famille syrienne était en effet chrétienne et d’origine française… Dans les heures qui ont suivi ces révélations, de nombreux commentaires ont été publiés sur les sites allemands d’information, ainsi que sur les réseaux sociaux, pour mettre en cause l’incompétence de l’administration chargée d’instruire son dossier. Celle-ci, pour l’heure, n’a pas réagi.

D’après le parquet, les enquêteurs ont mis la main sur des messages à caractère xénophobe échangés entre cet homme et un autre individu, un étudiant allemand de 24 ans qui a lui aussi été interpellé. Selon le quotidien Die Welt, c’est de façon délibérée qu’il aurait laissé ses empreintes sur le revolver retrouvé à Vienne, afin de mettre les enquêteurs sur la piste du réfugié qu’il prétendait être.

Ce scénario machiavélique, qui n’a pas encore été établi à ce stade de l’enquête, a fait réagir la porte-parole du groupe écologiste au Bundestag : « Il faut absolument que la lumière soit faite sur le fait que l’extrême droite planifierait des attentats dans le but de mettre en cause les réfugiés », a déclaré Irene Mihalic au quotidien Mitteldeutschen Zeitung, mettant en garde contre les conséquences politiques de tels agissements à cinq mois des élections législatives.