Après les nombreuses attaques envers les médias, le chef d’Etat, Recep Tayyip Erdogan a décidé de s’en prendre aux émissions de rencontres, très populaires en Turquie. | NICOLE TUNG POUR LE MONDE

Le gouvernement conservateur turc a franchi, samedi 29 avril, une étape supplémentaire dans la censure et la répression dont sont victimes les Turcs depuis le coup d’Etat raté de juillet dernier. Il a, en effet, interdit les émissions télévisées de rencontres amoureuses et encore congédié près de 4 000 fonctionnaires, selon deux décrets publiés samedi en vertu de l’état d’urgence imposé après la tentative de putsch.

Après les nombreuses attaques envers les médias, le chef d’Etat, Recep Tayyip Erdogan dont le pouvoir a récemment été renforcé par un référendum, a décidé de s’en prendre aux émissions de rencontres, très populaires en Turquie, en les supprimant. « A la radio et à la télévision, ce type de programmes dans lesquels les personnes sont présentées les unes aux autres pour trouver un petit ami… ne peut être autorisé », selon le décret publié samedi.

Le vice-premier ministre, Numan Kurtulmus, avait déclaré en mars que l’interdiction de ces émissions était en préparation :

« Il y a des programmes étranges qui mettent à la casse l’institution de la famille et lui retirent sa noblesse et sa sainteté », avait-il dit. « Si Dieu le veut, dans un proche avenir, nous allons y remédier grâce à des décrets d’urgence. »

Les opposants du parti islamo-conservateur AKP (au pouvoir) expriment fréquemment la crainte que la Turquie penche vers un islam conservateur. Mais ses partisans répondent que les émissions télévisées de rencontres suscitent des milliers de plaintes chaque année et que l’interdiction est dans l’intérêt du public.

Plus de 47 000 arrestations

Les 3 974 fonctionnaires révoqués comprennent un millier d’employés du ministère de la justice et un millier d’autres dépendant de l’armée, selon le décret, qui donne le nom de tous les fonctionnaires concernés. Parmi les révoqués de l’Armée de l’air, figurent plus de 100 pilotes. Près de 500 universitaires travaillant dans les institutions officielles ont aussi été limogés

Le 26 avril, la Turquie avait arrêté plus de 1 000 personnes et suspendu plus de 9 100 policiers dans le cadre d’une nouvelle purge contre ceux qui sont présentés comme des partisans du prédicateur réfugié aux Etats-Unis Fethullah Gülen, auquel Ankara fait porter la responsabilité du coup d’Etat avorté du 15 juillet dernier.

Plus tôt dans la journée, c’est l’encyclopédie en ligne Wikipedia qui était inaccessible. L’organisme de surveillance en ligne Turkey Blocks a, en effet, relevé dans la matinée que l’accès à l’encyclopédie avait été coupé dès 8 heures du matin, heure locale. Selon l’Agence France-Presse, seule l’utilisation d’un accès VPN (réseau privé virtuel) permettait aux habitants d’Istanbul d’accéder au site samedi matin.

Le quotidien turc Hürriyet Daily News qualifie de « pas claires » les raisons pour lesquelles l’interdiction a été ordonnée, évoquant « une décision administrative provisoire » qui nécessite d’être confirmée dans les prochains jours par une décision de justice.

Ces dernières années, les autorités turques ont bloqué temporairement à plusieurs reprises les accès aux réseaux populaires comme Facebook et Twitter, à l’occasion de grandes manifestations contre le pouvoir ou d’attaques terroristes.

Au cours de l’état d’urgence mis en place depuis la tentative de coup d’Etat, 47 000 personnes ont été arrêtées.