Marine Le Pen, le 30 avril à Gardanne. | STRINGER / AFP

Nicolas Dupont-Aignan a apporté un cadeau à Marine Le Pen pour célébrer leur mariage politique : la réouverture du débat sur la sortie de l’euro proposée par la candidate du Front national à l’élection présidentielle. Une mesure impopulaire, dont le parti d’extrême droite n’arrive pas à se défaire depuis des années.

Des modifications ont été apportées au projet de la députée européenne dans le cadre de l’accord signé avec le président de Debout la France (DLF) en vue du second tour du scrutin, le 7 mai, qui va opposer Mme Le Pen au candidat d’En marche !, Emmanuel Macron.

Parmi ces amendements, révélés samedi 29 avril, figure la promesse d’un « patriotisme pragmatique, qui privilégie les décisions de bon sens ». « La transition de la monnaie unique à la monnaie commune européenne n’est pas un préalable à toute politique économique », écrivent les deux responsables dans ce chapitre, promettant un « calendrier adapté aux priorités et défis immédiats que le gouvernement de la France devra relever ».

Référendum six mois après l’élection

Cet accord assouplit, en théorie, la volonté de Marine Le Pen d’en finir rapidement avec l’euro. Dans son programme, présenté en février, la présidente – « en congé » – du FN assure qu’elle irait négocier, dès le lendemain de son arrivée à l’Elysée, le retour de quatre « souverainetés » auprès de l’Union européenne, dont la « souveraineté monétaire ».

Des monnaies nationales cohabiteraient alors avec un « euro monnaie commune », selon l’expression de différents dirigeants frontistes, sur le modèle de l’ECU, qui s’efforçait au cours des années 1980-1990 d’assurer la stabilité des taux de change entre les pays membres de la communauté européenne.

Dans l’esprit de Mme Le Pen, cette phase de négociations devait être bouclée pour le mois de novembre au plus tard, et sanctionnée par un référendum sur l’appartenance de la France à l’UE. « Six mois après mon élection, j’organise un référendum sur la sortie de l’UE », assurait-elle encore dans un entretien au Monde, le 2 février.

Désaccord sur les délais au sein du FN

Las, ce bel ordonnancement a été bouleversé. Dans la foulée de la publication de l’accord signé avec Nicolas Dupont-Aignan, la députée du Vaucluse Marion Maréchal-Le Pen a assuré que la question de l’euro fera l’objet d’« un long débat, vraisemblablement peut-être de plusieurs mois, ou peut-être plusieurs années ». A l’entendre, ce point des négociations ne débuterait qu’au lendemain des élections législatives italiennes, qui doivent être organisées avant la fin du mois de mai 2018. Difficile, dans ces conditions, de tenir un référendum dès novembre.

Contacté par Le Monde, samedi, le vice-président du FN, Florian Philippot, a pour sa part déclaré que Marine Le Pen « a déjà dit qu’elle attendait les élections allemandes sur ce point ». Ces dernières doivent se tenir en septembre 2017. Le délai se raccourcit, donc.

Sur France 3, dimanche, le député européen, qui tient nettement plus que Mme Maréchal-Le Pen à cette question de la sortie de l’euro, a précisé sa vision des choses. « Le projet est clair : six mois de négociation et un référendum », a-t-il affirmé. Qu’en est-il des « années » de débat dont parlait la nièce de Marine Le Pen ? « Les années, c’est à partir du déclenchement éventuel de l’article 50, c’est ce qu’ont fait les Britanniques, ça prend jusqu’à deux ans », a répondu M. Philippot.

Une position que Marine Le Pen n’a pas franchement éclaircie, dimanche. En marge d’un déplacement à Gardanne, dans les Bouches-du-Rhône, la candidate frontiste a nié toute « contradiction » de sa part et déclaré que « dans le cadre des quatre souverainetés que je veux négocier, la souveraineté monétaire arrivera à la fin des négociations, pour une raison très simple : il est nécessaire d’attendre les élections allemandes où, après tout, la majorité pourrait changer ».

Mais de préciser dans le même temps qu’elle pourrait « peut-être » attendre « l’élection italienne », vu que « le souhait de retour d’une monnaie nationale est extrêmement fort », selon elle, de l’autre côté des Alpes.

Dupont-Aignan fier d’avoir infléchi le projet du FN

Entre-temps, nombre de mesures souhaitées par le Front national, en particulier celles ayant trait au protectionnisme et au « patriotisme économique », pourraient être bloquées dans leur mise en œuvre du fait de l’appartenance de la France à l’Union européenne.

Et tant pis si le retour à une monnaie nationale, qui était censé représenter le « levier » essentiel pour retrouver de la compétitivité, doit arriver plus tard. Selon le secrétaire général du FN Nicolas Bay, interrogé dans l’émission « Questions politiques », cette mesure n’incarnerait pas « l’alpha et l’oméga » du « projet économique » du parti. Elle est en tout cas absente de la profession de foi rédigée par la candidate en vue du second tour.

« Cette transition entre la monnaie unique et la monnaie commune devra se faire avec délicatesse, c’est-à-dire avec sérieux, a assuré de son côté M. Dupont-Aignan, dimanche, dans l’émission « Le Grand Jury ». Marine Le Pen avait dit six mois, nous pensons qu’il faudra une bonne année, peut-être un peu plus. Quelle est la priorité absolue ? C’est de baisser les charges sur les PME, d’abroger la directive sur les travailleurs détachés. »

« Je suis fier d’avoir pu infléchir un peu le projet de Marine Le Pen sur ce point », s’est félicité le député de l’Essonne, qui doit être nommé premier ministre en cas de victoire de Mme Le Pen dimanche.

En mars 2016, dans le cadre de l’émission « Le Grand Rendez-vous », Florian Philippot déclarait : « Si nous arrivons au pouvoir, il est certain que, au bout de six mois, la France a une monnaie nationale. » On ne peut décidément plus être sûr de rien.