Marine Le Pen, candidate au deuxième tour de la présidentielle 2017 fait un meeting à Nice le 27 avril 2017. La candidate pendant son discours. | LAURENCE GEAI POUR LE MONDE

Dans les six points de l’« accord de gouvernement » conclu entre Nicolas Dupont-Aignan et Marine Le Pen figure la question de l’euro. La sortie de la monnaie unique européenne, longtemps au cœur des propositions de l’extrême droite, n’apparaît plus désormais comme une mesure phare de la candidate du Front national au second tour de l’élection présidentielle.

Que dit précisément le programme de Marine Le Pen à ce sujet ? De quelle manière le discours de la candidate frontiste a-t-il évolué ? Le point sur la question.

  • Ce qui figure dans l’accord avec Nicolas Dupont-Aignan

L’accord de trois pages conclu entre les deux alliés comporte six « engagements » avec certains ajustements au programme du FN, notamment sur l’euro pour affirmer que « la transition de la monnaie unique à la monnaie commune européenne n’est pas un préalable à toute politique économique ».

La transformation de la monnaie unique en monnaie commune, avec un retour parallèle au franc, n’est plus affichée comme une priorité par les deux dirigeants, qui évoquent un « calendrier adapté aux priorités et défis immédiats ».

  • Une allusion à la sortie de l’euro de plus en plus discrète

Avant même l’annonce de l’alliance avec le président de Debout la France, Marine Le Pen avait infléchi son discours.

Dans les « 144 engagements présidentiels » publiés sur son site de campagne avant le premier tour de l’élection présidentielle, il était question de « retrouver notre liberté en restituant au peuple français sa souveraineté (monétaire, législative, territoriale, économique) ». La candidate formulait alors son souhait du « rétablissement d’une monnaie nationale adaptée à notre économie, levier de notre compétitivité ».

En revanche, cette mesure – clivante au sein de son parti – n’apparaît pas explicitement dans la profession de foi publiée en vue du second tour, qui l’opposera le 7 mai à Emmanuel Macron. Sous le chapitre « restaurer la démocratie, rendre la parole au peuple », Mme Le Pen écrit : « En renégociant les traités européens pour retrouver notre souveraineté et bâtir une Europe des Nations », sans aucune allusion à l’euro.

  • Un calendrier qui varie

Dans un entretien au Parisien Dimanche le 30 avril, la candidate du FN affirme n’avoir « jamais dit que la France » sortira de l’euro. « Je vais demander [à l’UE] de pouvoir maîtriser notre monnaie. Cela veut dire transformer l’euro monnaie unique en un euro monnaie commune. Monnaie qui ne concernera pas les achats quotidiens mais uniquement les grandes entreprises qui font du commerce international », explique Mme Le Pen.

« Nous aurons une monnaie nationale comme tous les autres pays et nous aurons ensemble une monnaie commune. Voilà, c’est aussi simple que ça (…) Moi, je pense que l’euro est mort », déclare-t-elle.

Marine Le Pen a régulièrement répété que, dès son élection, si elle remportait la présidentielle, elle entamerait une négociation avec l’UE pour « restituer au peuple français sa souveraineté monétaire, législative, territoriale, économique ». A l’issue de cette négociation à laquelle elle accordait six mois, elle prévoyait un référendum sur l’appartenance à l’UE.

Ce n’est pourtant pas le calendrier annoncé samedi par Marion Maréchal-Le Pen, députée FN du Vaucluse et nièce de la candidate. Selon elle, la négociation souhaitée par le FN sur l’Union européenne et l’euro en cas d’accession à l’Elysée de Marine Le Pen commencerait en 2018 et prendrait « plusieurs mois », voire « plusieurs années ».

Marion Maréchal-Le Pen a rejeté le délai de six mois communément admis : « Je pense que cette position, même sur le plan des traités stricto sensu et du droit, n’apparaissait pas tout à fait réalisable. » « Ça sera un long processus, un processus mûri, ce sera un processus profondément démocratique », a-t-elle estimé.

  • Une mesure qui fait débat au sein du Front national

Depuis 2012, la sortie de l’euro, qui fait partie des engagements de la candidate, n’est plus présentée comme la clé de voûte du projet Le Pen mais comme une mesure parmi d’autres, agitée pourtant comme un chiffon rouge par plusieurs de ses adversaires au premier tour, notamment François Fillon et Emmanuel Macron.

Elle apparaît aussi comme une ligne de fracture interne au Front national. Mme Le Pen a tempéré sa communication en la matière, dénoncée hors micro par nombre de frontistes, au premier rang desquels Marion Maréchal-Le Pen, comme l’un des principaux freins à leur progression électorale. Le bras droit de Marine Le Pen, Florian Philippot, est pourtant l’un des ardents défenseurs de la proposition. « Il faut politiser cette question, la remettre dans le contexte : nous sommes pour la souveraineté économique », disait-il en février.

La fin de la monnaie unique, au cœur du programme de la candidate du Front national à l’élection présidentielle, est par ailleurs loin de faire consensus dans l’opinion, selon des sondages régulièrement réalisés. Nuancer sa position sur le sujet lui aura au moins permis un rapprochement avec le souverainiste Nicolas Dupont-Aignan.