L’historien et penseur tunisien Mohamed Talbi est mort. | STRINGER / AFP

L’historien et penseur tunisien Mohamed Talbi, qui a combattu durant des décennies l’obscurantisme religieux, est mort dans la nuit de dimanche à lundi 1er mai, à l’âge de 95 ans, a annoncé le ministère de la culture.

Né en 1921 à Tunis, agrégé d’arabe et docteur en histoire de l’université de Paris-Sorbonne, Mohamed Talbi était l’un des « fondateurs de l’université tunisienne moderne », souligne le ministère.

Premier doyen de la faculté des lettres de Tunis, ce « grand intellectuel » de la Tunisie indépendante est l’auteur d’une trentaine d’ouvrages et de centaines d’articles, essentiellement en arabe et en français, qui lui ont valu nombre de distinctions.

Dans ces œuvres, et durant plus d’un demi-siècle, Mohamed Talbi, lui-même profondément croyant, aura combattu sans relâche les versions rigoristes de l’islam, prônant avec force une vision rénovée de la pensée musulmane.

La charia (loi islamique) est une « production humaine » qui n’a « rien à voir » avec l’islam, disait-il avec force ainsi en 2006 au journal Le Monde, arguant que « la religion, quelle qu’elle soit, ne doit pas être une contrainte ». « Je ne cesserai jamais de dire que l’islam nous donne la liberté », ajoutait-il.

Longtemps, cet agrégé d’arabe, spécialiste du Moyen Age au Maghreb, a cru pouvoir composer avec le pouvoir, au motif qu’il était un serviteur de l’Etat. En 1989, il chavire. Ce qu’il avait supporté d’Habib Bourguiba, le libérateur de la nation devenu un dictateur, Mohamed Talbi ne le supporte plus de son successeur, Zine El-Abidine Ben Ali, président de la République depuis 1987. En 1995, il entre au Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT, non reconnu). Une association, pas un parti. « Je n’ai jamais adhéré à un parti, disait-il. La liberté est la dimension structurante de ma pensée. »

Persuadé que « l’islam est compatible avec la démocratie », il avait également pris position, après la chute de la dictature, contre le parti islamiste Ennahdha.

Sans concession envers le salafisme, qu’il qualifiait d’« anti-islam », Mohamed Talbi n’était pas tendre non plus envers « le péril de l’islamophobie, nourri » par certains courants du christianisme. Pour eux, le prophète « Mohamed n’a apporté au monde que des choses mauvaises et inhumaines », dénonçait-il à Jeune Afrique.

En France, durant les années 1980, Talbi avait été fait chevalier puis officier de la Légion d’honneur, au nom notamment de son combat pour le dialogue interreligieux.