Manifestation pro-européenne dans les rues de Budapest, lundi 1er mai. | LASZLO BALOGH / REUTERS

Treize ans jour pour jour après leur adhésion à l’Union européenne, 10 000 Hongrois sont descendus dans les rues de Budapest en brandissant la bannière étoilée, lundi 1er mai. Mais au lieu de faire la fête comme en 2004, il s’agissait de protester contre les dérives autoritaires et europhobe de Viktor Orban.

Le premier ministre ultraconservateur a lancé début avril une consultation nationale intitulée « Stoppons Bruxelles ». Tous les Hongrois ont reçu un questionnaire à leur domicile, leur posant des questions sur l’influence supposée néfaste de « Bruxelles » sur la conduite du pays en matière d’économie ou d’immigration. Des affiches anti-UE ont parallèlement été placardées un peu partout dans les rues.

Lundi, le cortège était surtout composé de jeunes, étudiants et citadins, souvent polyglottes. « Je tenais l’Union européenne pour quelque chose d’acquis, mais la propagande agressive anti-UE du gouvernement montre qu’il faut se battre pour rester dedans », explique Alexandra Medzibrodszky, 29 ans. Hongroise de mère polonaise, elle est venue avec un drapeau européen maquillé sur le visage : « La consultation du gouvernement est scandaleuse, elle contient plein d’informations bidons. »

Le questionnaire estime par exemple que « Bruxelles » veut « forcer la Hongrie à laisser passer des migrants illégaux ». Cette doctorante en histoire est aussi descendue dans la rue car son université, la CEU (Université d’Europe centrale), fondée par le philanthrope américain George Soros, est menacée de fermeture.

Procédure d’infraction contre la Hongrie

Orban a fait du milliardaire sa bête noire en l’accusant de financer l’opposition. Une loi adoptée en avril, malgré les protestations de dizaines de milliers de personnes, impose à l’université des conditions drastiques pour continuer ses activités après février 2018. Le texte a été vivement critiqué par la Commission européenne qui a ouvert une procédure d’infraction contre la Hongrie mercredi 26 avril.

Lors du Conseil européen organisé samedi, le premier ministre hongrois a été vivement critiqué par ses alliés du Parti populaire européen (PPE, conservateur). Mais il a refusé de s’engager à retirer le texte et a fait diffuser le même jour un clip à la télévision publique pour s’en prendre à Bruxelles et Soros.

Stop Brussels new spot with EN subs
Durée : 00:34

« Orban veut arrêter Bruxelles parce qu’il ne comprend pas le XXIe siècle ! C’est pour ça qu’il ferme des universités, détruit des journaux, s’en prend aux ONG », a dénoncé devant la foule Andras Fekete-Gyor, le jeune président du tout nouveau parti d’opposition Momentum, à l’origine de la manifestation. Ce mouvement issu de la société civile est surtout composé de jeunes revenus en Hongrie après une expérience à l’étranger. Il est déjà parvenu à obtenir l’annulation de la candidature de Budapest à l’organisation des Jeux olympiques de 2024.

« J’ai grandi près de la frontière avec l’Autriche, et chaque fois mes parents me disaient qu’ils avaient peur de la traverser. Mais moi, j’ai la chance qu’elle ne signifie plus rien. Et en treize ans, grâce à l’argent européen, nous avons pu construire des métros, des chemins de fer, des écoles, des hôpitaux ! », a abondé Edina Pottyondy, vice-présidente de Momentum, en critiquant les positions pro-russes du parti de Viktor Orban.

« Europa, Europa, Europa ! », a scandé la foule en retour, en agitant frénétiquement des drapeaux sur la place des Héros. Là même où l’ancien opposant au régime communiste devenu chantre de la démocratie non libérale tenait ses discours antisoviétiques à la fin des années 1980.