Jeudi 4 mai, de 18 heures à minuit, une trentaine d’organisations invitent à un concert place de la République, à Paris. | CHRISTOPHE ENA / AP

En cette élection présidentielle où les artistes se sont peu ou tardivement affichés auprès des candidats, depuis l’annonce de l’accession au second tour de la candidate du Front national (FN), les réactions individuelles se multiplient, avant tout sur les réseaux sociaux, et en cette ultime semaine de campagne présidentielle, les initiatives collectives fleurissent.

Lundi 1er mai était réactivée une lettre ouverte des artistes à Marine Le Pen lancée lors des élections régionales de 2015, lorsque celle-ci était candidate dans la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie. L’initiative, lancée par des plasticiens, dont Annette Messager, Pascal Convert et Hervé Di Rosa, et qui dénonçait « son idéologie fermée sur elle-même, excluante et raciste », se mue aujourd’hui en un appel à faire barrage au parti d’extrême droite, dimanche 7 mai. « Respectueux des sensibilités de chacun-e, nous estimons cependant que l’abstention ou le vote blanc risquent de ne pas suffire à endiguer la victoire de Marine Le Pen », dit ce texte déjà signé par quelque trois cents artistes, dont Christian Boltanski, Daniel Buren, Bettina Rheims, Rodolphe Burger, Robert Combas, Philippe Djian, Claude Lévêque, Elli Medeiros, Bruno Peinado, Ernest Pignon-Ernest, Jef Aérosol, Olivier Blanckart ou encore Smith.

Dans la soirée du 1er-Mai était par ailleurs organisé gratuitement au Théâtre des Bouffes du Nord (dans le 10arrondissement) « Un soir contre le FN », rassemblant des artistes de toutes disciplines, dont Juliette Armanet, Dominique Blanc, Jean-Michel Ribes, Annette Messager, André Wilms, ou encore Anne Alvaro, et présenté par la journaliste Laure Adler.

« Nous nous opposerons à toute culture “patriotique” »

Ce mardi matin, l’ARP, la société civile des auteurs, réalisateurs et producteurs, publiait une lettre très explicitement intitulée « Ni brun ni blanc, Macron ».

« Nous, cinéastes de l’ARP, mettons notre engagement quotidien au service d’une politique culturelle éclairée, tolérante et ambitieuse. Pour nous, la diversité, dans son sens le plus large, est la plus belle des richesses : les regards et cultures d’ici et d’ailleurs doivent continuer à irriguer notre patrimoine. Nous ne permettrons jamais que la liberté d’expression – clé de voûte de la démocratie – soit remise en question. Disons-le clairement, le Front national incarne une menace pour cette liberté. Nous nous opposerons à toute culture “patriotique” qui serait prisonnière d’une idéologie. »

Le texte est signé par le conseil d’administration de l’ARP, composé de Claude Lelouch, Julie Bertuccelli, Michel Hazanavicius, Dante Desarthe, Eric Lartigau, Radu Mihaileanu, ou encore Patrick Braoudé, Costa Gavras, Pierre Jolivet, Cédric Klapisch, Thomas Langmann, Olivier Nakache et Eric Toledano.

« Comment censurer des films, fermer des centres culturels, promouvoir un art “caché” pourraient être des réponses acceptables ? Pourtant, telles sont les priorités du Front national en matière de culture. Dans des municipalités alors dirigées par le FN – à Orange, à Marignane ou encore à Vitrolles – la culture a été décimée, la préférence “nationale” proclamée. Ce n’est pas un fantasme, c’est une réalité : il y a quelques semaines encore, un élu FN déprogrammait le dernier film de Lucas Belvaux. »

Ils mettent en garde contre le risque d’abstention :

« Plus que jamais, la participation de tous à ce scrutin sera décisive : des lendemains dramatiques peuvent nous attendre. En toute fraternité, et pour que la France continue de défendre une culture libre et ouverte sur le monde, nous invitons chacune et chacun à voter contre le repli sur soi et l’intolérance. »

De la Philharmonie à la place de la République

Mardi 2 mai, un rassemblement citoyen intitulé « La Culture contre le Front national » est organisé à 19 h 30 par une quarantaine d’associations et syndicats de la culture (CFDT-Culture, CFTC, CGT-Culture, Association française des orchestres, Fédération des grands ensembles de jazz et de musiques improvisées, Les Forces musicales, La Réunion des Opéras de France, le Syndeac, ou encore la Ligue des droits de l’homme et la Ligue de l’enseignement) dans la salle des concerts de la Cité de la musique à la Philharmonie de Paris, à la Villette.

Dans une autre veine, le centre d’arts la Gaîté-Lyrique, spécialisé dans les cultures numériques, propose en cet entre-deux-tours une série de conférences, projections, performances et expérimentations sur la démocratie à l’heure du numérique. Cette programmation intitulée L’Election parfaite (du 4 au 6 mai), qui questionnera la politique dans une perspective artistique et critique, débutera mardi à 19 heures par « une discussion collective à partir de deux articles de presse (fictifs) extrapolés depuis les programmes (bien réels) des candidats sur le thème du travail ». De la « politique-fiction » pour imaginer à quoi ressemblera notre quotidien après les élections (en accès libre).

Jeudi, de 18 heures à minuit, c’est un concert à multiples têtes d’affiche qui est proposé par une trentaine d’organisations, dont le syndicat lycéen FIDL, SOS-Racisme, et l’UEJF, place de la République, à Paris, avec pour mot d’ordre : « Face à la haine, face à Le Pen : la République réplique ! » Parmi les participants à ce concert gratuit et bénévole : les Naive New Beaters, Flavia Coelho, Pete Doherty, HK et les Saltimbanks, FFF, Tété, Camille Bazbaz, Mokobé ou encore les Wampas.

« Nous ne pouvons pas laisser le Front national, ce parti raciste, antisémite, homophobe, sexiste et opposé aux valeurs de notre démocratie arriver au pouvoir. Une victoire, ou un score important de Marine Le Pen engendrerait le retour de la haine de l’autre, du racisme décomplexé », détaille l’annonce de cet appel à la mobilisation « pour battre Marine Le Pen » et au rassemblement « pour incarner ce que l’extrême droite tente de détruire : le vivre ensemble et la solidarité quotidienne ».