Unko sensei (« Professeur Caca ») est représenté sous la forme d’un étron jaune avec bésicles et moustaches en guidon de course. | Editions Bunkyosha

Pour tout petit Japonais, c’est une galère. Pendant ses six années d’école primaire, il doit ingurgiter 1 006 kanji, soit environ la moitié des 2 139 caractères chinois utilisés dans l’Archipel et considérés comme indispensables pour savoir lire correctement. Des plus fastidieux, l’exercice ne tolère guère la rêverie. Outre qu’il ne faut pas se tromper dans le nombre de traits, il faut respecter l’ordre de leur dessin, de la gauche vers la droite et de haut en bas, et apprendre les différentes prononciations de chacun des caractères. Une nouvelle méthode sortie des cerveaux de l’éditeur Bunkyosha propose d’en faciliter l’apprentissage. Sortie à la mi-mars, elle s’est vendue à 280 000 exemplaires en seulement une semaine. Son titre : Unko Kanji Doriru, littéralement les « exercices de kanjis par le caca ».

« J’ai acheté cette méthode pour mon fils en primaire. Il adore. » Akiko Kitamura Suzuki, professeur de japonais

Dans ces ouvrages, chaque caractère est illustré par trois phrases incluant le mot « caca ». Ainsi pour apprendre le caractère signifiant « côté » ou « traverser » peut-on lire : « Je dors toujours avec un caca à côté de moi » ou « L’aventurier a traversé le Pacifique en se retenant de faire caca pendant un mois ». Pour le kanji voulant dire « fabriquer » ou « œuvre » : « Le ballon de football est fabriqué à partir de caca. » Le tout assorti des conseils d’Unko sensei (« Professeur Caca »), représenté sous la forme d’un étron jaune avec bésicles et moustaches en guidon de course. « J’ai acheté cette méthode pour mon fils en première année de primaire, explique sur son compte Twitter Akiko Kitamura Suzuki, qui enseigne le japonais aux étrangers. Il adore. » De fait, les enfants s’amuseraient beaucoup, ce qui faciliterait l’apprentissage.

Chaque caractère est illustré par trois phrases incluant le mot « caca ». | Editions Bunkyosha

Jusqu’à présent, l’enseignement des kanji se fait au travers de pages de répétition des caractères. Des astuces sont transmises de génération en génération : ainsi, le caractère signifiant « dire » associé à celui de « temple » donne « poésie ». Il existe également des moyens mnémotechniques : pour tenter de retenir le plus compliqué des kanji enseignés, « utsu » (le mot « dépression »), un caractère composé de 29 traits, les jeunes Japonais apprennent la phrase « Rinkan wa Amerikan kohi o sanbai nonda », soit « Lincoln a bu trois tasses de café américain » ; car chacun des composants du kanji évoque des éléments de cette phrase. On trouve dans « utsu » le kanji pour « Amérique ».

Le succès de la nouvelle méthode pourrait relancer l’intérêt pour l’écriture voire la calligraphie dans un pays où cet exercice décline. En effet, avec le temps et la généralisation des écrans, de plus en plus de Japonais peuvent lire les kanji, mais ne savent plus les dessiner.