L’enseigne de produits culturels va proposer une carte universelle de paiement Mastercard. | ERIC PIERMONT / AFP

C’est la grande mode dans le secteur du commerce et des télécommunications. Après Carrefour et Orange, c’est au tour de la Fnac de proposer sa propre carte bancaire. L’enseigne de produits culturels et techniques a annoncé, mardi 2 mai, le lancement de sa carte Fnac Mastercard, en partenariat avec Crédit agricole Consumer Finance.

Nul besoin de changer de banque, cette carte agit comme une carte de paiement supplémentaire et gratuite, débitée sur son propre compte bancaire, utilisable dans tout le réseau Mastercard, et accompagnée d’un ensemble de services d’assistance et de garanties, en France comme à l’étranger.

Surtout, ce moyen de paiement est assorti d’un avantage pour les cinq millions de porteurs des cartes de fidélité de la Fnac. Ces derniers pourront « cagnotter » une partie des sommes qu’ils auront dépensées par le bias de la carte, y compris dans les enseignes concurrentes. Un pour cent de tous leurs achats – en magasin et sur Internet – et de leurs retraits d’argent leur sera restitué sur leur compte fidélité sous forme de chèques cadeaux utilisables dans le réseau Fnac.

Le distributeur de biens culturels pourra même ainsi récupérer dans son circuit d’activité une partie des sommes dépensées par l’entreprise de son plus grand concurrent : Amazon. « Notre idée est que cette carte devienne le moyen de paiement principal de nos clients », indique au Monde Enrique Martinez, directeur général de la Fnac en France.

Recruter des clients fidèles

De cette façon, la Fnac compte donner un coup d’accélérateur au recrutement de clients fidèles. L’enseigne a mis un an et demi à obtenir le dernier million d’adhérents de sa carte de fidélité.

« C’est un investissement, au même titre que ceux que nous faisons dans les médias ou l’achat de mots-clés dans les moteurs de recherche. Notre conviction est qu’il y aura un retour sur investissement sur la fréquence d’achat, les volumes de ventes et l’attachement à la marque », explique M. Martinez sans divulguer ni montants ni objectifs. Notamment grâce à une visibilité de la marque Fnac sur une carte utilisable plus fréquemment qu’une simple carte de fidélité.

Le système de cagnottage, également appelé cashback, permet notamment aux enseignes de commerce d’« augmenter le trafic sur le site et les ventes, en maîtrisant la rentabilité de leur investissement » et « génère rapidement du chiffre d’affaires », selon une étude Xerfi de 2016 sur le cashback en France réalisée pour le Syndicat national du marketing à la performance.

L’enquête estimait que les achats réalisés grâce au cagnottage s’élèveront à près de 800 millions d’euros en 2017 (contre près de 600 millions d’euros en 2015), avec un taux de croissance compris entre 12 % et 15 % par an. Actuellement, 10,9 % de la population française serait membre d’un ou de plusieurs programmes de cashback. La plupart du temps au travers de sites Internet spécialisés (iGraal, eBuyClub…).

« Importantes marges de progression »

Le système du cagnottage a été lancé pour la première fois aux Etats-Unis, il y a une quarantaine d’années – plus de 60 % des consommateurs américains utilisent des codes promo ou du cashback pour effectuer leurs achats sur Internet, selon l’étude de Xerfi – et sur le marché britannique au début des années 2000.

« Mais ce n’est véritablement qu’en 2005 que le cashback a décollé, notamment avec l’arrivée sur le marché de nouveaux acteurs, dont Quidco et TopCashback », précisent ces observateurs. Au Royaume-Uni, il « représente 5 à 6 fois la taille du marché français, ce qui laisse augurer d’importantes marges de progression pour les cashbackers dans l’Hexagone, même s’il existe de fortes différences culturelles entre les deux pays ».

La Fnac propose donc désormais une offre de cashback particulièrement attractive, afin d’inciter les clients à payer aussi souvent que possible avec leur carte Fnac-Mastercard. De quoi déposséder les banques d’une partie des flux financiers qui, par l’intermédiaire des commissions d’interchange, contribue à leurs revenus pour une part non négligeable.

En 2002, la banque en ligne britannique Egg ( filiale de l’assureur Prudential) s’était lancée en France avec une offre inédite de cashback de 1%, avant de fermer boutique deux ans plus tard. Restent aujourd’hui quelques offres : celle d’Oney, la banque du groupe Auchan (10 centimes d’euros sur des achats de 30 euros minimum) ou de LCL et du Crédit du Nord, qui proposent des ristournes sur des achats réalisés auprès d’enseignes partenaires, au gré de promotions ponctuelles.

Contre le géant américain Amazon

Rien de comparable avec la puissance du cashback d’Amazon aux Etats-Unis, qui, pour ses abonnés Prime, rembourse jusqu’à 5 % des achats effectués (y compris hors de son site) grâce à une carte bancaire gratuite proposée en partenariat avec la banque Chase.

Ce lancement de carte de paiement fait partie de la longue liste des nouvelles initiatives du nouveau groupe Fnac-Darty dans sa compétition contre le géant américain Amazon, après le rachat du distributeur d’électroménager fin avril 2016.

Certaines actions ont consisté à mettre en place des passerelles entre les deux enseignes Fnac et Darty, comme la mise en commun de la carte cadeau et la vente de billetterie chez Darty, le retrait des commandes passées sur le site Internet de la Fnac dans les magasins Darty ou encore une sélection d’offres de produits croisées dans les magasins. D’autres initiatives ne concernaient que la Fnac, comme l’alliance annoncée en mars avec Deezer, pour mettre en avant l’offre du site d’écoute en continu (streaming) dans les points de vente de l’enseigne.

Dans le domaine du paiement, les enseignes grand public se sont lancées dans une débauche d’initiatives, au moment où le géant américain Amazon a décidé de passer à la vitesse supérieure en France, avec le lancement, le 18 avril, de son système Amazon Pay dans l’hexagone. À la façon d’un portefeuille électronique, il permet d’utiliser son compte Amazon pour effectuer des achats sur des sites marchands tiers. Selon le géant américain, il serait déjà utilisé par « plus de 33 millions de clients à travers le monde ».

Les banques cherchent à innover

Les géants de la grande distribution ont été les premiers à venir attaquer l’activité des banques. La plupart proposent depuis déjà plusieurs années des cartes bancaires à prix cassé, assorties d’une option crédit. La concurrence est toutefois en train de se durcir, chacune rivalisant d’imagination et d’avantages tarifaires pour capter les flux de paiement des clients, et les fidéliser.

Depuis le 18 avril, Carrefour distribue ainsi dans les rayons de tous ses magasins des comptes bancaires, dénommés « C-zam », accessibles en libre-service sous la forme de coffrets. Ces boîtes contiennent une carte de paiement internationale Mastercard associée à un compte courant, vendue 5 euros en magasin, auxquels il faut ajouter 1 euro par mois pour les frais de tenue de compte. L’un de ses atouts est d’être accessible à tous clients, sans condition de revenu, car le compte n’autorise pas les découverts.

Au-delà de la grande distribution, les nouveaux acteurs prêts à investir dans la banque ou les paiements se bousculent désormais au portillon. La révolution digitale a ouvert une brèche. Apple a lancé son service de paiement mobile Apple Pay. Le réseau social Facebook a obtenu, en octobre 2016, un agrément de prestataire de paiement et d’émetteur de monnaie électronique en Irlande, qui lui permet d’opérer dans l’ensemble des pays de l’Union européenne.

Surtout, Orange Bank lancera le 6 juillet une offre gratuite pour les services bancaires les plus usuels (carte bancaire offerte, absence de frais de tenue de compte pourvu que l’on soit un client un tant soit peu actif, retrait sans frais dans tous les distributeurs automatiques de billets, partout en zone euro…), sans condition d’éligibilité imposée au client.

Sommées de s’adapter, les banques cherchent à innover, rachètent des start-up de la finance, tentent d’améliorer leur relation client en adoptant notamment des logiciels d’intelligence artificielle et ferment, à rythme accéléré, des agences.