A Sotchi, le 2 mai. | POOL / REUTERS

La dernière fois qu’Angela Merkel s’était rendue à Sotchi, en janvier 2007, Vladimir Poutine lui avait présenté Connie, son labrador noir. Comme chacun avait pu le constater sur les photos prises à l’époque, la chancelière allemande, connue pour son amour très modéré des chiens, se serait volontiers passée de cette rencontre qui donna d’elle l’image d’une femme apeurée face à un président russe impérial.

Mardi 2 mai, c’est sans chien à ses côtés que M. Poutine a reçu Mme Merkel dans sa résidence au bord de la mer Noire. Cela a-t-il pour autant rendu leur rendez-vous plus chaleureux ? A voir les visages sombres que les deux dirigeants arboraient lors de la conférence de presse qui a suivi leur entrevue, la réponse est clairement non. Ils ne s’en sont d’ailleurs pas cachés. « Il y a encore beaucoup de problèmes, beaucoup de choses qui entravent [la coopération entre nos deux pays] », a reconnu le président russe. « Il faut toujours faire tous les efforts possibles pour maintenir le dialogue. (…) Quand on se parle, on se comprend mieux », a déclaré la chancelière allemande.

« Normalisation »

Sur le fond, cette rencontre n’aura donc rien changé. Au contraire, elle a donné l’occasion aux deux dirigeants d’afficher une fois de plus leurs divergences, en particulier sur l’Ukraine. Trois ans après la chute du président prorusse Viktor Ianoukovitch, M. Poutine continue ainsi de qualifier celle-ci de « coup d’Etat », Mme Merkel estimant toujours, pour sa part, que l’actuel chef de l’Etat ukrainien, Petro Porochenko, est arrivé « de manière démocratique » au pouvoir. « Nous ne sommes pas d’accord sur les origines du conflit », a cliniquement constaté la chancelière.

Pour Mme Merkel, dont l’intransigeance vis-à-vis de la Russie est parfois jugée excessive en Allemagne, cette visite était importante. A moins de cinq mois des élections législatives du 24 septembre, il était en effet opportun, pour elle, de montrer à son opinion publique qu’elle était prête, sinon à envisager dans l’immédiat une levée des sanctions décidées contre la Russie dans le contexte du conflit ukrainien, du moins à répondre au souhait exprimé par M. Poutine, début mars, d’une « normalisation » des relations entre Moscou et Berlin. Ce qui ne l’a pas empêchée d’appeler le président russe, mercredi, à user de son influence sur le dirigeant tchétchène Ramzan Kadyrov, afin de mettre fin aux violences dont sont victimes les homosexuels dans cette région.

En Allemagne, la restauration d’un dialogue, même difficile et prudent, avec M. Poutine était d’autant plus attendue que l’opinion observe, non sans crainte, l’évolution parfois compliquée des relations de Berlin avec certaines grandes capitales, que ce soit Londres, en raison du Brexit, Washington, depuis l’élection de Donald Trump, ou Ankara, d’où le président Recep Tayyip Erdogan n’a pas hésité, ces dernières semaines, à accuser Mme Merkel de « pratiques nazies ». A cela s’ajoutent les conséquences de la campagne présidentielle française qui, pendant quelques semaines, empêche Paris de jouer pleinement son rôle de partenaire diplomatique de Berlin, notamment sur l’Ukraine et la Syrie, dossiers sur lesquels M. Hollande et Mme Merkel ont, ces dernières années, cheminé ensemble.

Distance

Dans une Allemagne de plus en plus prête à s’affirmer sur la scène internationale, mais qui observe avec inquiétude la distance qui se creuse avec certains de ses principaux partenaires étrangers, cette visite d’un peu moins d’une demi-journée – la première de la chancelière allemande en Russie depuis 2015 – visait avant tout à réactiver une relation bilatérale qui, ont souligné les deux partenaires, est essentielle notamment pour l’économie des deux pays.

Reste la question, majeure, de la confiance. Interrogée sur ses craintes de voir la Russie interférer dans les élections allemandes, Mme Merkel a répondu qu’elle n’était pas « quelqu’un d’anxieux ». A ses côtés, M. Poutine a assuré que son pays n’intervenait « jamais » dans les affaires intérieures des autres pays. La chancelière n’a pas souhaité en dire davantage. En langue diplomatique, les silences sont parfois aussi éloquents que les longues phrases. – (avec intérim à Moscou.)