Panos Panay, vice president de Microsoft Surface Computing, lors de la présentation du Surface Laptop le 2 mai à New York. | Drew Angerer / AFP

Comment mieux préparer l’avenir qu’en misant sur la jeunesse ? Lors d’une conférence placée sous le signe de l’éducation, organisée mardi 2 mai, à New York, Microsoft a dévoilé ses ambitions de devenir un acteur privilégié du numérique à l’école. Si l’annonce la plus spectaculaire est la sortie prochaine du Surface Laptop, un ordinateur pensé pour les étudiants (fin, léger, avec une autonomie de plus de quatorze heures, mais au prix de 999 dollars, soit 914 euros), le lancement du système d’exploitation Windows 10 S, gratuit pour les enseignants et les étudiants, revêt probablement plus d’importance.

Disponible également sur les machines de distributeurs partenaires, pour moins de 200 dollars, il doit permettre de familiariser ce public, dès le plus jeune âge, avec l’environnement Microsoft. Un enjeu important au regard des récentes statistiques démontrant qu’avec seulement 22 % de part de marché dans le secteur de l’enseignement primaire et secondaire américain, la firme de Redmond est désormais largement distancée par l’offre concurrente de Google (58 %) avec son Chromebook. Or, « Microsoft a besoin de renforcer ce lien avec les jeunes pour qu’ils adoptent ses outils dans le futur », décrypte Ed Anderson du cabinet Gartner.

En introduction à cette présentation, le patron de Microsoft, Satya Nadella, expliquait : « 65 % des élèves présents dans nos écoles exerceront un métier qui n’existe pas aujourd’hui. » Un propos qui témoigne de sa conscience des transformations rapides qu’entraînent les technologies dans l’économie. Ce qui l’a conduit, dès sa nomination, début 2014, à imposer un changement de modèle à l’entreprise, pour transformer ce qui s’apparentait encore à un éditeur assez traditionnel de logiciels, par trop lié à un marché du PC déclinant, en une société tournée vers le cloud. Un marché florissant qui, d’après le cabinet Gartner, pourrait peser 383 milliards de dollars d’ici à 2020, contre 209 milliards en 2016.

Satya Nadella, le patron de Microsoft, présente le Surface Laptop, le 2 mai, à New York. Un ordinateur destiné aux étudiants et dont le nouveau système d’exploitation Windows 10  S sera gratuit pour les enseignants et les jeunes. | Drew Angerer / AFP

Abandon de la logique protectionniste

Pour avoir précédemment dirigé la division cloud de Microsoft, M. Nadella n’ignore rien du potentiel de cette technologie permettant à ses utilisateurs de sous-traiter bon nombre de tâches, du stockage à distance, par les particuliers, de leurs données (textes, photos, images) à la gestion des serveurs et des logiciels des entreprises. Et à ceux qui la contrôlent d’amasser un volume énorme de données, dans une économie numérique dont le big data est le carburant.

Cette transformation était surtout indispensable. Comme le souligne Thomas Husson, analyste chez Forrester :

« La suite logicielle traditionnelle [Office], qui était un peu la vache à lait de Microsoft, mais en même temps son cœur de métier, était attaquée de toutes parts. »

Dans un marché du cloud dominé par Amazon, incontestable leader avec sa branche AWS (40 % de part de marché selon Synergy Research), Microsoft s’est imposé comme un solide numéro deux en concentrant désormais tous ses efforts sur cette technologie : « Aujourd’hui, c’est ce qui guide la conception de chaque produit chez Microsoft », explique M. Anderson du cabinet Gartner. Face à son rival, qui a pris une nette largeur d’avance sur toute la partie infrastructure du cloud, la firme de Redmond mise sur son savoir-faire logiciel et sa fine connaissance de l’entreprise. « La marque résonne toujours auprès du grand public, mais son ADN est d’être une plate-forme au service de l’entreprise », explique M. Husson.

La suite Office est désormais disponible sur les plates-formes concurrentes de Google et d’Apple.

Au-delà du virage stratégique, c’est un changement culturel en profondeur qui s’est opéré chez Microsoft, passant notamment par l’abandon de la logique très protectionniste qui prévalait jusque-là : la suite Office est désormais disponible sur les plates-formes concurrentes de Google et d’Apple. Le groupe a aussi ouvert les portes de sa technologie pour permettre aux développeurs d’applications de venir enrichir son écosystème…

M. Nadella a aussi remis l’innovation au cœur de l’entreprise. « Pour lui, une société qui progresse est une société qui teste, et qui sait apprendre vite de ses erreurs », témoigne Vahé Torossian, le PDG de Microsoft France. Cela s’est notamment traduit par des produits récents comme les lunettes de réalité augmentée HoloLens, présentées en janvier 2015. Microsoft a également continué à développer sa gamme de terminaux Surface avec l’idée – comme pour les casques HoloLens –, de conquérir de nouveaux marchés, portés ensuite par des constructeurs tierces embarquant ses solutions logicielles.

Au besoin, Microsoft n’a pas hésité à sortir le chéquier pour renforcer son offre, comme avec le rachat en 2014 de l’éditeur du jeu Minecraft pour 2,5 milliards de dollars, ou celui, en 2016, de LinkedIn (26 milliards de dollars), le premier réseau social professionnel mondial, dont l’importante base de données doit irriguer dans l’avenir les solutions de Microsoft.

A la peine sur le marché du mobile

Reste une ombre à ce tableau : le marché du mobile où l’entreprise n’a pas réussi à se faire une place malgré ses efforts répétés. En 2016, la société a annoncé qu’elle renonçait à la production de ses propres appareils.

Microsoft a vu en janvier 2017 sa valorisation en Bourse franchir la barre des 500 milliards de dollars pour la première fois depuis mars 2000.

Placé sur de nouveaux rails, Microsoft a vu en janvier 2017 sa valorisation en Bourse franchir la barre des 500 milliards de dollars pour la première fois depuis mars 2000. Sur l’exercice 2016, le cloud a généré 12 milliards de revenus, et l’objectif reste de porter ce chiffre à 20 milliards d’ici à 2018.

Mais les défis restent importants. Comme le souligne M. Anderson, « le handicap de Microsoft est de devoir, à l’inverse de Google ou d’Amazon, composer avec un important héritage de produits. C’est le même défi que rencontrent des sociétés comme Oracle ou HP, mais nul mieux que Microsoft n’a réussi ce mouvement ». M. Husson va dans le même sens en établissant une comparaison avec Apple : « Avec l’iPhone, ils savaient qu’ils allaient tuer l’iPod, c’est juste une question de pilotage de la transition. » En attendant, en allant à la conquête des étudiants, Microsoft travaille déjà à conquérir ses clients du futur.