« Comportement non réglementaire » : voilà le motif, dans les textes, de la suspension, pour une rencontre, du footballeur ghanéen de Pescara (Abruzzes), Sulley Muntari. Coupable d’avoir protesté auprès de l’arbitre contre des cris racistes (premier carton jaune) émanant des tribunes de Cagliari, en Sardaigne, dimanche 30 avril, puis d’avoir quitté la pelouse sans y être autorisé (deuxième carton jaune).

L’arbitre Daniele Minelli inflige un carton jaune à Sulley Muntari, victime de cris racistes sur le terrain de Cagliari, en Sardaigne, le 30 avril. | Fabio Murru / AP

Deux jours plus tard, l’instance disciplinaire a confirmé le carton rouge infligé par l’arbitre et a suspendu pour une rencontre Sulley Muntari, un baroudeur de la Serie A, le championnat italien.

Le club sarde, de son côté, n’a pas été sanctionné, en stricte application du règlement : les « cris de singe » ont été « « lancés par environ dix supporters, soit moins de 1 % des occupants du secteur », et le critère de « perception réelle » des cris n’était pas non plus réuni.

Après avoir subi des cris racistes en première période, notamment de la part d’un groupe d’enfants avec leurs parents, Muntari avait offert son maillot à la pause à l’un d’entre eux dans l’espoir de les ramener à plus d’humanité. Les insultes avaient continué en seconde période, jusqu’à ce que Muntari s’énerve et demande à l’arbitre d’interrompre le match, sans succès.

« La parfaite injustice du football à l’italienne »

Jusqu’à présent, Sulley Muntari n’avait récolté que des louanges pour son comportement, dont celles du commissaire aux droits humains de l’ONU, Zeid Raad Al-Hussein, qui voyait en lui « un exemple » et appelait la Fédération internationale (FIFA) à agir plus fermement contre le racisme.

Le syndicat international des joueurs, FifPro, a souligné qu’« aucun joueur ne devrait jamais ressentir le besoin de gérer seul ces problèmes, comme Muntari s’est clairement senti obligé de le faire ».

Le consul de Guinée en Italie a rendu visite à Sulley Muntari au centre d’entraînement de Pescara, et a soutenu sa décision de quitter le terrain.

Mercredi, la presse italienne soulignait le paradoxe de la décision de la ligue. « Le puni est Muntari ; la parfaite injustice du football à l’italienne », écrivait La Repubblica, pour qui « l’application des règles a accouché d’un monstre ».

Phénomène récurrent

Le même jour, le juge sportif n’a pas non plus sanctionné les supporteurs romains ayant hué le Sénégalais de la Lazio Rome, Baldé Keita, et n’ont infligé qu’une suspension d’un match avec sursis pour la tribune de supporteurs de la Lazio d’où sont partis d’autres chants racistes, à l’encontre du défenseur de la Roma Antonio Rüdiger. Ils impliquaient pourtant 80 % de la tribune de 7 000 personnes, selon le juge.

A titre de comparaison, les cris racistes lors du match Bastia-Nice, émanant d’une poignée de supporteurs bastiais, avaient valu au club corse un point de retrait avec sursis et trois matchs de suspension ferme pour la tribune en question.

Critiqué, le président de la Fédération italienne de football, Carlo Tavecchio, s’est contenté dans les colonnes de La Gazzetta dello Sport de propos généraux « contre le racisme dans et en dehors des stades ». Sans en dire plus, par souci de respecter l’indépendance des arbitres et de la justice sportive.

Les cris racistes reviennent fréquemment dans les tribunes italiennes. Les rencontres sont généralement interrompues quelques minutes avant la reprise du jeu. La Gazzetta dello Sport constatait, mercredi, que les réactions à l’affaire Muntari avaient été bien plus virulentes à l’étranger qu’en Italie. « C’est comme si nous nous étions tristement habitués au racisme dans le football. D’autres s’en scandalisent encore. Heureusement. »