Donald Trump et Hillary Clinton, lors de leur dernier débat, le 19 octobre 2016 à Las Vegas. | MARK RALSTON / AFP

Agressivité presque sans limites, mépris affiché de l’adversaire, pluie d’approximations ou de contre-vérités, dénonciation d’un « système » : la joute qui a opposé, mercredi 3 mai, en France, les deux candidats du second tour de la présidentielle, Marine Le Pen et Emmanuel Macron, a rappelé à bien des titres la tonalité des trois débats de l’élection américaine de 2016.

La candidate du Front national (FN) a en effet reproduit la tactique de rupture de Donald Trump, multipliant les interruptions, pendant que celui d’En marche ! a joué sur son expertise, comme Hillary Clinton avant lui.

Lorsque la candidate démocrate avait assuré au cours du deuxième échange : « C’est vraiment bien que quelqu’un ayant le tempérament de Donald Trump ne soit pas chargé des lois de notre pays. » Ce dernier avait ainsi répondu : « Parce que vous seriez en prison. »

Le républicain faisait écho aux slogans « Enfermez la ! », scandés lors de ses meetings en référence à la controverse liée à l’usage d’un serveur privé par Mme Clinton lorsqu’elle était secrétaire d’Etat. La justice avait pourtant décidé qu’il n’y avait pas lieu à poursuites.

Jamais un candidat américain n’avait exprimé une telle menace vis-à-vis d’un adversaire par le passé. Lors de ce duel construit sur la base d’un échange avec le public au cours duquel les candidats étaient libres de leurs mouvements pour échanger avec leurs interlocuteurs, M. Trump avait aussi imposé un rapport de force physique en profitant de sa stature face à sa rivale démocrate.

Solidité sur les dossiers

Le troisième débat avait été marqué par un autre précédent : le refus exprimé par M. Trump de dire à l’avance s’il respecterait l’issue du vote dans le cas d’une victoire de son adversaire.

Alors qu’il ne cessait de juger dans ses meetings la procédure électorale « truquée », le républicain s’était contenté de répondre : « Je verrai à ce moment-là. » « Je vous laisse dans le suspense », avait-il ajouté, avant de qualifier son adversaire un peu plus tard de « femme ignoble » (« nasty woman »).

Lors des trois confrontations organisées très en amont du vote, la solidité de Mme Clinton sur les dossiers évoqués, similaire à celle exprimée par M. Macron le 3 mai, avait permis à la démocrate de prendre à chaque fois un avantage plus ou moins net, le milliardaire compensant ses approximations par son agressivité et sa pugnacité.

Le premier débat, le 26 septembre 2016, avait d’ailleurs permis à l’ancienne secrétaire d’Etat de reprendre l’ascendant sur son adversaire après un passage à vide marqué par une pneumonie responsable d’un malaise lors de la commémoration du 11-Septembre.

La candidate démocrate avait par la suite réussi à faire front face à M. Trump, qui s’était montré plus efficace le 10 octobre, puis le 19 octobre. Ce dernier débat était organisé plus de deux semaines avant le jour de l’élection, le 8 novembre, autant dire que l’impact de ces joutes sur l’issue du vote peut être difficilement comparé avec celui du débat français et encore moins en tirer des leçons pour le résultat du 7 mai.

Capacité de changement

Une analyse des intentions de vote dans les dernières semaines de la présidentielle américaine, publiée le 3 mai par le site FiveThirtyEight témoigne de la progression constante de Mme Clinton pendant les semaines des débats.

Mais son avance a brutalement fondu à partir du 28 octobre à la suite d’un événement de campagne : la réouverture quelques jours durant de l’enquête du FBI sur son serveur privé. Selon le fondateur de FiveThirtyEight, Nate Silver, cette annonce a alors réduit l’avantage de la démocrate à la marge d’erreur dans les Etats-clés.

En dépit d’une large victoire au niveau national avec plus de 3,5 millions de voix d’avance, elle a ainsi été devancée dans trois Etats jugés imperdables : la Pennsylvanie, le Michigan et le Wisconsin – elle n’avait d’ailleurs pas fait campagne dans les deux derniers. M. Trump l’a emporté avec un total légèrement supérieur à 70 000 voix pour l’ensemble de ces trois Etats.

A la différence enfin des protagonistes du débat français, le candidat vierge de tout parcours électoral, comme l’est M. Macron, était aux Etats-Unis le républicain. Ce dernier était jugé moins qualifié que sa rivale pour la fonction présidentielle, comme les débats l’avaient montré, mais les électeurs lui reconnaissaient aussi une réussite professionnelle personnelle et surtout une capacité de changement bien supérieure à celle de Mme Clinton.