L’AS Monaco s’est inclinée (2-0), mercredi 3 mai, contre la Juventus Turin, en demi-finales aller de la Ligue des champions. | FRANCK FIFE / AFP

Ni amertume, ni colère noire. Davantage résignés qu’abattus, les joueurs de l’AS Monaco n’ont rien laissé transparaître après leur défaite (2-0) face aux Italiens de la Juventus Turin, mercredi 3 mai, en demi-finale aller de Ligue des champions. Cueilli à froid au stade Louis II par un doublé de l’attaquant argentin Gonzalo Higuain, le club de la principauté est en fâcheuse posture avant la manche retour programmée dans le Piémont, mardi 9 mai. L’objectif d’atteindre la dernière marche du tournoi, comme lors de l’épopée de 2004 (revers 3-0 contre Porto), est fortement compromis.

Signe que la route vers Cardiff - où aura lieu la finale, le 3 juin- semble bel et bien obstruée, les vivats des supporteurs de l’ASM ont résonné, au terme de la rencontre, comme un dernier tour de chants empreints de reconnaissance pour le parcours réalisé. Ce fatalisme s’explique d’abord par le gouffre qui sépare la formation du Rocher, propriété depuis 2011 du milliardaire russe Dmitri Rybolovlev, et la vénérable « Juve », incarnation de la culture de la gagne, quintuple tenante du titre en Serie A italienne et deux fois sacrée en Ligue des champions (en 1985 et 1996). Jamais éliminés par un club français sur une double confrontation européenne, les Bianconeri ont estomaqué leurs adversaires par leur rigueur tactique et leur froid réalisme.

La Juve, cette inexpugnable forteresse

« On a bien su gérer », a sobrement commenté Massimiliano Allegri, l’entraîneur de la Juventus. « L’efficacité a fait la différence. Maintenant, c’est difficile, a reconnu le coach monégasque Leonardo Jardim. Après le match, j’ai parlé aux joueurs. Il faut toujours y croire. Même avec 5% de possibilité. » Ses protégés rêvaient pourtant de prendre leur revanche sur leur bourreau turinois, qui les avait éliminés (1-0/0-0) en quart de l’épreuve, en avril 2015.

Devenue une machine à marquer cette saison (146 buts inscrits toutes compétitions confondues), encensée pour sa créativité et son jeu esthétique, l’ASM espérait perforer l’arrière-garde des Bianconeri, réputée infranchissable (seulement deux réalisations concédées en Ligue des champions). A défaut de faire sauter l’inexpugnable forteresse, les Monégasques se sont enlisés, incapables de surprendre le trident défensif composé des chevronnés « gladiateurs » Giorgio Chiellini (32 ans), Leonardo Bonucci (30 ans), et Andrea Barzagli (35 ans).

Tout en maîtrise, le vétéran (39 ans) et gardien de la Juve, Gianluigi Buffon, a lui aussi administré une leçon d’expérience à la formation du Rocher lors de cette opposition de styles et de générations. Au gré de ses arrêts robotiques, l’inoxydable capitaine des Bianconeri a refroidi les ardeurs adverses. « On a approché cette rencontre comme il le fallait, nous avons fait ce qui était adéquat sur le terrain, a réagi le portier, au coup de siffet final. On avait très peur de Monaco et la seule manière de gagner cette rencontre était de jouer au niveau où l’on a joué. »

Saison à rallonge

Buffon, qui a débuté sa carrière professionnelle en 1995, s’est même permis de consoler avec un zeste de malice le jeune monégasque Kylian Mbappé, né en... 1998. A 18 ans, le prodige incarne la vague d’insouciance qui porte l’ASM cette saison. Auteur de dix-huit buts lors des dix-neuf derniers matchs de son équipe, l’attaquant est le fer de lance de la jeune génération (Bernardo Silva, 22 ans; Fabinho, 23 ans; Thomas Lemar, 21 ans, Tiémoué Bakayoko, 22 ans ) qui s’est installée aux commandes de l’équipe de Leonardo Jardim. Malgré leurs jambes de feu et leurs crochets dévastateurs, Kylian Mbappé et consorts n’ont pas réussi à désarçonner les « grognards » de la Juve.

Outre son manque d’expérience, l’ASM a semblé pâtir d’une saison à rallonge. Confortablement juché au sommet de la Ligue 1 (avec trois points d’avance sur son dauphin parisien mais avec un match en moins), Monaco avance à marche forcée. Confrontée à un calendrier démentiel, en quête d’un premier trophée majeur depuis 2003, la formation de la principauté a disputé, face à la Juventus, son cinquante-huitième match officiel depuis l’entame de l’exercice 2016/2017.

L’ASM est d’ailleurs la première équipe, passée par un troisième tour préliminaire, à parvenir à se hisser dans le dernier carré de la Ligue des champions. Qui aurait pu croire que le onze du Rocher (160 millions d’euros de budget prévisionnel) arriverait à égaler la performance de l’Olympique lyonnais, dernier représentant de l’Hexagone à avoir atteint, en 2010, les demi-finales de l’épreuve ? « On donne une bonne image du foot français », a d’ailleurs confié Leonardo Jardim.

« La défaite est logique »

Au fil de ses quinze matchs sur la scène européenne, l’ASM a épaté les observateurs, se muant en rouleau compresseur. Grâce à son armada offensive, elle a notamment fait chuter des écuries comme le Manchester City (3-5/ 3-1) de l’entraîneur espagnol Pep Guardiola en huitièmes de finale, et les Allemands du Borussia Dortmund (3-2/ 3-1) au tour suivant. Mais la marche est manifestement trop haute contre une Juventus méthodique et disciplinée, qui devrait, selon toute vraisemblance, affronter en finale le Real Madrid, tombeur (3-0) de son frère ennemi de l’Atlético, mardi 2 mai. « Ils ont été meilleurs que nous », a glissé le milieu monégasque Bernardo Silva. « La défaite est logique au vu match, a estimé son partenaire Valère Germain. On est tombé sur une grosse équipe. Il nous a manqué aussi un peu de folie, qu’on avait mise contre City et Dortmund. »

Loin de s’auto-flageller, les joueurs de l’ASM ont préféré se tourner vers leur prochaine échéance en Ligue 1, la « priorité » des dirigeants du club. A savoir un déplacement à Nancy, avant-dernier du championnat, samedi 6 mai, lors de la 36ème journée. « Si on gagne à Nancy, on pourra aborder le match retour à Turin avec beaucoup de motivation et d’envie », a déclaré Leonardo Jardim. L’oeil sombre, le technicien a fait mine de croire à une « remontada » (remontée) dans l’antre de la Juventus. Pour renverser les Bianconeri, les Monégasques devront au moins inscrire trois buts sans en encaisser. En somme, la mission s’avère quasiment impossible.