Les joueurs de l’Ajax évolueront la saison prochaine dans la Johan-Cruyff ArenA. | Toussaint Kluiters / REUTERS

« Le numéro 14, pour toujours Johan Cruyff. » La bannière géante, en hommage à l’une des icônes du football mondial, trône fièrement dans le ciel amstellodamois, accrochée juste au-dessus d’une tribune de la vertigineuse Amsterdam ArenA.

Mercredi soir, sur la pelouse de l’enceinte de 54 000 places inaugurée en 1996 et qui accueille en majorité les matchs de l’Ajax, la jeune garde du club au prestigieux passé a fait honneur à sa légende. Bertrand Traoré, Kasper Dolberg, Amin Younes et les autres ont balayé l’Olympique lyonnais en demi-finale aller de la Ligue Europa (4-1).

Décédé à l’âge de 68 ans le 24 mars 2016, le « Hollandais volant » aurait certainement été ravi d’assister à la prestation « totale » (football qu’il a contribué à inventer dans les années 70) de ses héritiers. À l’Ajax, les générations passent mais la tradition perdure, surtout celle du beau jeu.

Johan-Cruyff ArenA

Bien parti pour disputer une nouvelle finale européenne le 24 mai prochain à Stockholm, le club néerlandais a disputé hier sa dernière rencontre continentale à l’Amsterdam ArenA. Non, les Ajacides ne vont pas déménager la saison prochaine. Mais leur stade aura un nouveau nom : la Johan-Cruyff ArenA. Pour toutes les groupies du footballeur le plus rock and roll de l’histoire, ce changement a la saveur d’une belle madeleine de Proust.

Après des négociations tripartites avec le comité directeur du stade et le maire d’Amsterdam (le stade appartient majoritairement à la municipalité), le club a fait cette annonce le 25 avril dernier : « Les trois parties tenaient à rendre un hommage de grande valeur au meilleur joueur qu’Amsterdam et les Pays-Bas aient jamais connu. »

Un vent de fraîcheur bien venu alors que le football est de plus en plus soumis à la mode, envahissante, du naming, qui permet au plus offrant des sponsors de donner son nom à un stade. L’initiative à contre-courant a d’ailleurs été saluée par Jordi, le fils de Cruyff en personne : « Nous sommes très heureux de cet hommage à mon père. Merci à tous ceux qui ont rendu cela possible, en particulier le maire Van der Laan. »

Cependant, la décision n’a pas été aussi simple que cela à prendre. Entre le décès de Johan Cruyff en Catalogne, sa patrie d’adoption, et l’officialisation de ce baptême romantique, plus d’un an s’est écoulé. Et l’Ajax s’est même fait griller la politesse par le Barça dont le président Josep Bartomeu avait déclaré le 25 mars que le futur stade d’entraînement prendrait le nom de celui qui entraînait le club catalan lors de son premier succès en Ligue des champions en 1992.

En avril, il a fallu moins d’un mois à la ville d’Angers pour renommer son stade Jean Bouin en stade Raymond Kopa après le décès de l’ancien international français, qui avait fait ses débuts en 1949 avec le club du Maine-et-Loire.

Le Barça prend de vitesse l’Ajax

Chose étonnante, le premier édile amstellodamois Eberhard van der Laan s’était pourtant déjà prononcé en ce sens dès le lendemain du décès de Cruyff : « Il est encore tôt pour le dire, mais je pense que les habitants d’Amsterdam commenceront spontanément à l’appeler la Johan-Cruyff ArenA. Sans lui, ce stade n’aurait jamais existé. »

Écharpe du club au cou et crinière poivre et sel, Frans, un fan de 65 ans, ne mâche pas ses mots pour dénoncer la lenteur du processus : « C’est une honte que ça ait pris si longtemps, cela aurait dû être fait il y a un an… ça a vexé la famille. Il a fallu passer outre le business ». Dans un premier temps renfrogné sur le chemin du stade, son visage s’illumine lorsqu’il évoque Johan Cruyff, vainqueur notamment de trois Ligue des champions (1971, 1972 et 1973) et de trois Ballons d’or (1971, 1973 et 1974) sous le maillot blanc à bande rouge.

« Cruyff était tellement brillant. Je l’ai souvent vu jouer dans l’ancien stade De Meer, confie presque extatique le fidèle supporteur, Et même lors du fameux match en 1984 à Rotterdam où il nous a tués avec notre rival du Feyenoord (il y a joué une saison à cause d’un désaccord avec l’Ajax). On a perdu le titre mais quel pied ce jour-là de voir son récital. »

Jeudi 11 mai, en attendant d’évoluer dans la future Johan-Cruyff ArenA, les joueurs de l’Ajax devront valider leur qualification au Parc OL. À Lyon, le président Jean-Michel Aulas ne verse pas dans le sentimentalisme : il bataille toujours pour trouver une marque désireuse de payer pour donner son nom à son stade flambant neuf inauguré en janvier 2016.