Mahmoud Abbas et Donald Trump, à la Maison Blanche, le 3 mai. | NICHOLAS KAMM / AFP

L’heure est à l’espoir pour le conflit israélo-palestinien : c’est le message que le président des Etats-Unis a voulu faire passer, mercredi 3 mai, en recevant à la Maison Blanche Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne. « Nous allons commencer un processus qui, nous l’espérons, conduira à la paix. Au cours de ma vie, j’ai toujours entendu dire que l’accord peut-être le plus difficile est celui entre les Israéliens et les Palestiniens. Voyons si nous pourrons prouver que ceux qui pensent cela se trompent », a assuré M. Trump au terme d’une courte déclaration, proposant d’être « un médiateur, un arbitre et un facilitateur ». « Avec vous, nous avons l’espoir », avait assuré auparavant M. Abbas, en anglais.

Tout au long de la campagne présidentielle, Donald Trump n’avait cessé d’évoquer « l’accord ultime » que représente, selon lui, une paix israélo-palestinienne – même si de nombreux experts du conflit israélo-palestinien, comme l’ancien émissaire américain Dennis Ross, le jugent hors d’atteinte. Il a utilisé cette formule après son élection, dans un entretien accordé au Wall Street Journal, le 11 novembre 2016, puis évoqué un « grand accord de paix » à l’occasion de la visite à Washington du premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, le 15 février.

Dans un entretien accordé à l’agence de presse Reuters, le 27 avril, M. Trump n’a pas caché ses ambitions : « Je veux voir la paix avec Israël et les Palestiniens. Il n’y a aucune raison qu’il n’y ait pas de paix entre Israël et les Palestiniens, aucune. » Il n’est pas le premier président des Etats-Unis à s’attaquer à ce dossier lancinant, mais il n’a pas tracé pour l’instant de perspectives claires. M. Trump est réputé pour son peu d’intérêt pour les détails de la diplomatie. Du fait d’une formulation hasardeuse, il a même donné l’impression, lors de la visite de M. Nétanyahou, d’abandonner la solution des deux Etats qui consiste en la création d’un Etat palestinien aux côtés d’Israël.

« Concessions »

Contrairement à de nombreux autres dossiers diplomatiques, M. Trump observe pourtant à propos du conflit israélo-palestinien une réserve prudente. Deux proches de l’ancien magnat de l’immobilier sont officiellement à la manœuvre : son ancien conseiller juridique Jason Greenblatt, et surtout son gendre, Jared Kushner, resté pour l’instant totalement silencieux. La nouvelle administration multiplie les précautions. La nomination comme ambassadeur des Etats-Unis en Israël de David Friedman, soutien fervent de la colonisation israélienne dans les territoires occupés et autre proche de M. Trump, s’est ainsi accompagnée du maintien au Conseil de sécurité nationale de l’experte chargée du dossier au sein de l’administration précédente, Yael Lempert, une diplomate de carrière.

De même, le déplacement de l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem, promis pendant la campagne présidentielle, ne semble plus une priorité. Une telle décision, jugée inacceptable par les Palestiniens, pourrait enterrer prématurément les espoirs de M. Trump. Début juin, ce dernier sera confronté à une échéance : geler pour six mois supplémentaires une loi votée par le Congrès il y a plus de vingt ans en faveur du transfert de cette ambassade. Sa décision coïncidera avec le cinquantième anniversaire de la conquête par Israël de la Cisjordanie et de Gaza lors de la guerre de 1967. Une visite en Israël en mai, présentée comme une hypothèse dans l’entretien avec Reuters, pourrait servir de compensation.

Beau fixe

Lors de la visite de M. Nétanyahou, M. Trump avait rappelé qu’une négociation réussie suppose que « les deux parties fassent des concessions ». L’administration américaine a rappelé être opposée aux constructions dans les colonies israéliennes situées à l’est de la « barrière de sécurité » érigée unilatéralement par Israël en Cisjordanie – sans succès pour l’instant.

Mercredi, M. Trump a aussi invité à sa manière M. Abbas à rompre avec sa stratégie d’internationalisation du conflit, au profit de négociations directes avec Israël, alors que son visiteur a loué le plan de paix réaffirmé en mars par la Ligue arabe.

Selon son porte-parole, Sean Spicer, le président des Etats-Unis a également évoqué la « nécessité de régler le sujet » des aides versées par l’Autorité palestinienne « aux détenus palestiniens dans les prisons israéliennes responsables d’actes terroristes ». M. Trump, qui s’est ostensiblement félicité de la coopération sécuritaire maintenue entre les deux parties en dépit de l’absence de dialogue politique, a assorti ses demandes d’une promesse de soutien américain, à la fois financier et pour relancer l’économie palestinienne.

L’intérêt manifesté par le président américain pour ce conflit remet, pour l’instant, en selle M. Abbas, au point d’avoir les honneurs de la Maison Blanche. Mais il oblige aussi ce dernier à apparaître de bonne volonté, alors que son impopularité en Cisjordanie et à Gaza le fragilise face à M. Trump. M. Abbas a pu enfin mesurer, mercredi, le changement intervenu à Washington au cours des derniers mois. Les deux mandats de M. Obama avaient été marqués par les relations conflictuelles du locataire de la Maison Blanche avec M. Nétanyahou, derrière lesquelles il avait pu s’abriter. Elles sont désormais au beau fixe et le placent à découvert.