Un studio monté sur un traîneau, tiré par un camion à chenilles, a permis de filmer la transhumance. | NRK

Las du vide sidéral de la télé-réalité, du brouhaha incessant des émissions de divertissement ou de la répétition des débats politiques ? Du 21 avril au 1er mai, la chaîne de télévision publique norvégienne NRK proposait de faire une pause et de suivre en direct la transhumance des rennes de la famille Herder jusqu’au nord du cercle polaire. 1 500 bêtes, 100 kilomètres, 34 personnes mobilisées, un studio monté sur un traîneau, tiré par un camion à chenilles. Chez NRK, on appelle ça de la « slow TV ». Les Norvégiens en raffolent.

L’idée est née en 2009, alors que le Bergensbanen, la voie de chemin de fer reliant Oslo à Bergen, à l’ouest du pays, fête ses cent ans. « Un collègue a proposé de mettre des caméras à bord du train et de filmer tout le voyage », raconte Thomas Hellum, chef de projet à NRK. Le trajet de 380 km dure plus de sept heures.

Le concept de slow TV en images (et en anglais)

Norwegian Slow TV

Les producteurs commencent par rigoler. « C’est vrai que ça ressemble à une idée qu’on aurait pu avoir à une fête où on aurait bu un peu trop de bière », reconnaît Thomas Hellum. Mais ils finissent par donner leur feu vert. Et le 29 novembre 2009, à 19 h 55, le train quitte la gare de Bergen, des caméras montées sur la locomotive. 1,2 million de Norvégiens – dans un pays de 5 millions d’habitants – se postent devant leur télé pour admirer les paysages. Les raisons du succès ? « Il y a cette chronologie ininterrompue, constate le producteur. Tout est là, les moments ennuyeux et passionnants. On ne sait pas ce qui va arriver au détour du prochain virage. Il faut attendre. »

La mythologie nationale célébrée

En 2011, NRK recommence, mais, cette fois, sur six jours, à bord du bateau de la compagnie Hurtigruten, le long des fjords, de Bergen à Kirkenes, à l’extrême nord : 134 heures et 42 minutes de télévision, en direct. 3,2 millions de spectateurs – par intermittence – sont au rendez-vous. Les Norvégiens se massent sur la côte pour voir le paquebot passer et, quand ce dernier croise le yacht royal, la reine Sonja en personne monte sur le pont pour les saluer.

Depuis, la chaîne a varié les plaisirs : d’autres voyages, mais aussi l’ouverture de la pêche au saumon, la nuit du tricot, l’exploration du Saltstraumen, le plus fort courant marin du monde… Chaque fois, les téléspectateurs sont au rendez-vous. Le succès est aussi dû aux thèmes choisis, remarque le sociologue Arve Hjelseth : « Il y a de la nostalgie, un sentiment collectif dans cette célébration de la nature, qui fait partie de la mythologie nationale. » Thomas Hellum approuve : « Nos émissions racontent une histoire qui puise aux racines de la culture norvégienne. »

Un court extrait (très romantique) de la transhumance des rennes

Rein kjærlighet: «Det mest romantiske TV-øyeblikket»