Un millier de personnes participent à une marche silencieuse en hommage à trois jeunes hommes disparus dans le quartier du Vieux-Lille, et dont les corps ont été retrouvés dans le canal de la Deûle, le 6 mars 2011 à Lille. | PHILIPPE HUGUEN / AFP

Rebondissement dans l’affaire des noyés de la Deûle. Entre octobre 2010 et novembre 2011, les corps de cinq personnes, dont quatre jeunes hommes, avaient été repêchés dans le canal de cette rivière du Nord. Les cinq dossiers avaient été classés sans suite en juillet 2014, faute « d’éléments suspects ». Or, quatre individus ont été interpellés les 25 et 26 avril dans les Hauts-de-France. Trois d’entre eux, âgés de 24 à 28 ans et liés à l’ultra-droite, ont été mis en examen pour violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner en réunion, avec préméditation ou guet-apens et avec arme. L’un des suspects pourrait avoir également été impliqué dans l’agression de clients du bar gay le Vice Versa, à Lille, en 2013.

Placés en détention provisoire par le juge Jean-Michel Gentil, les trois hommes vont devoir répondre aux questions de la justice concernant la mort d’Hervé Rybarczyk.

Le guitariste de 42 ans avait disparu dans la nuit du 11 au 12 novembre 2011 après un concert de son groupe Ashtones à La Chimère, une petite salle de concert à Lille. Le corps du Nordiste passionné de musique avait été retrouvé le 23 novembre près du port fluvial, dans la Deûle. « Pour moi, c’était sûr que ce n’était pas un suicide, confie au Monde l’une de ses proches amies. Aujourd’hui, nous sommes sous le choc. Enfin la vérité va éclater. Comment pouvait-on faire notre deuil quand on vit avec autant de doutes ? »

Début de psychose à Lille

Les proches d’Hervé Rybarczyk ont toujours refusé de croire à un accident. « Il y avait trop de choses étranges, poursuit son amie. Et il n’avait rien à faire à l’endroit où il a été retrouvé. » Surtout, le guitariste n’était pas la première victime des eaux froides de la Deûle. Avant lui, quatre hommes se sont noyés au même endroit sur une période de treize mois. Il y a eu John Ani, 33 ans, disparu en octobre 2010 après une soirée entre amis et retrouvé cinq jours plus tard, noyé. Quatre mois après, deux autres jeunes Lillois disparaissent après avoir fait la fête : Thomas Ducroo, 26 ans, le 5 février, puis Jean-Mériadec Le Tarnec, 22 ans, le 20 février. Tous deux repêchés dans la Deûle, près de l’ancien stade Grimonprez-Jooris.

Des faits troublants qui créent un début de psychose à Lille. Après la presse locale, c’est la presse nationale qui s’empare de cette étrange série de noyades fin février. A l’époque, toutes les pistes sont envisagées et toutes les rumeurs circulent dans la capitale des Flandres : chutes accidentelles, serial killer (on parle alors d’un « serial pousseur »), crimes visant des jeunes hommes, gays ou non, etc.

Etudiant à la Catho, comme Jean-Mériadec Le Tarnec, le jeune Lloyd Andrieu disparaît le 22 septembre 2011 avant d’être repêché cinq jours plus tard dans la Deûle, près de la Citadelle. Hervé Rybarczyk est le dernier de cette sombre série. Pour toutes ces disparitions, le procureur de la République Frédéric Fèvre n’a pas de doutes : il s’agit d’accidents.

« Il l’a jeté à l’eau. C’est un meurtre »

Mais, le 28 mars, le procès à Amiens des membres du White Wolves Klan, un mouvement de l’ultra-droite extrêmement violent, a mis en lumière des déclarations glaçantes de Jérémy Mourain, chef du clan néo-nazi, condamné à neuf ans de prison. En détention provisoire, lors d’une conversation au téléphone depuis sa cellule, ce dernier, placé sur écoute, a expliqué avoir « tué un homme » à Lille.

Rapportés par La Voix du Nord, les propos d’un autre ex-membre du WWK évoquant Jérémy Mourain font froid dans le dos : « C’était un soir à Lille (…) On lui a demandé d’agresser un homme. Il lui a porté des coups, il était inconscient, et il l’a jeté à l’eau. (…) C’est un meurtre ». S’agit-il du meurtre d’Hervé Rybarczyk ? L’enquête confiée à la section de recherches de la gendarmerie de Lille ne fait que commencer. Selon Le Parisien de vendredi 5 mai, les propos de Jérémy Mourain auraient permis aux enquêteurs d’identifier les agresseurs du jeune homme, pas d’impliquer directement le militant néo-nazi.

Qu’en est-il pour les quatre autres noyés de la Deûle ? Le parquet de Lille a confié que des éléments nouveaux avaient conduit à l’ouverture d’une information judiciaire en 2015 reprenant les cinq procédures.