Après les ratés du premier tour, les électeurs de la première circonscription consulaire de Montréal étaient nettement plus satisfaits du déroulement du second tour de l’élection présidentielle, samedi 6 mai.

« On se croirait dans le Finistère, avec du vent et du froid, mais globalement tout s’est bien passé », note Jean-Jacques Berjot, 64 ans, à sa sortie du collège Stanislas, établissement français du quartier Outremont où se trouvait le seul site de vote de la région montréalaise.

Expatrié depuis 1983, le directeur commercial du groupe Barry-Callebaut Canada s’est levé tôt samedi pour être au bureau de vote avant l’ouverture à 8 heures. « A 7 h 45, dit-il, la file s’étirait déjà dans les rues adjacentes mais l’ambiance était enjouée. Nous avons marché tranquillement, avec ma famille et des amis, vers la cour de l’école. J’ai voté à 8 h 45. Je n’ai vraiment pas à me plaindre. » Il critique toutefois la décision de supprimer le vote électronique, estimant qu’il aurait permis à davantage d’expatriés de voter. « Je comprends les craintes de cyberattaques mais on est au XXIe siècle. Si on peut acheter des chaussures par internet, on devrait pouvoir voter. »

Organisation « optimisée »

Les délais d’attente (de deux heures à trois heures et demie) au premier tour avaient mécontenté bien des électeurs et nombreux étaient ceux qui avaient tourné les talons avant d’atteindre l’isoloir. Sur 57 429 inscrits sur la liste électorale de Montréal, seulement 22 234 avaient voté le 22 avril, soit un taux de participation de 40,5 %. Certains ont encore patienté une ou deux heures samedi, armés de parapluies, pour accomplir leur devoir civique.

Malgré une pétition de plus de 5 000 noms réunis en quelques jours pour réclamer un deuxième site de vote pour le second tour, la consule générale de Montréal Catherine Feuillet avait indiqué mardi ne pas pouvoir le faire pour des « raisons juridiques et de sécurité ». Elle avait toutefois promis une « organisation optimisée » pour atteindre les 24 bureaux de vote installés dans deux gymnases du collège. De nombreux bénévoles ont été appelés en renfort et la signalisation était plus claire.

Trois entrées au site, plutôt qu’une, étaient en place. Une file spéciale était réservée aux personnes âgées ou à mobilité réduite. « Nous avons eu la chance d’avoir cette entrée, dit Sylvie Audouin, qui accompagnait une femme de 89 ans en fauteuil roulant. Une demi-heure nous a suffi pour voter ! »

Même chose pour les parents avec de jeunes enfants et les femmes enceintes. « C’était nettement mieux qu’au premier tour, dit une mère à la sortie du bureau de vote, à 8 h 30. On nous a donné un badge coupe-file et nous sommes rentrés avec nos deux poussettes. »

« Un sentiment d’urgence »

Une file s’étirait toute de même dès 8 heures sur près de deux kilomètres et sous une pluie battante, de la station de métro à la cour du collège. Elle s’y prolongeait par un long parcours entre des cordons, comme dans un aéroport, mais les électeurs avançaient calmement en contournant les flaques d’eau jusqu’aux entrées.

« Arrivée à 10 heures du matin, j’ai attendu 2 h 30 pour voter au premier tour, raconte Françoise Armand, 56 ans, professeur en sciences de l’éducation à l’Université de Montréal. Cette fois, je suis venue à 7 heures. Et à 8 heures, j’étais à l’intérieur. » Au Canada depuis 28 ans, elle n’a pas toujours voté aux élections françaises mais affirme l’avoir fait pour cette présidentielle avec « un sentiment d’urgence, de devoir, parce que je me sens concernée par ce qui se passe en France et dans le monde, avec la montée de l’extrême-droite. » Julien, son fils de 19 ans, votait pour la première fois. « C’était très important pour lui. Il a lu tous les programmes et fait son propre choix. »

Philomène Sennéchael se rendait aussi aux urnes pour la première fois. Née au Canada de père français, la jeune fille de 19 ans juge que si on lui « donne le droit de vote, c’est pour l’utiliser ». Au premier tour, elle a attendu 2 h 30 pour rien car sa pièce d’identité n’était pas valide pour voter. Cette fois, si. En moins d’une heure, elle était dans l’isoloir. « Les enjeux sont trop importants avec Marine Le Pen au second tour. Je veux faire ma part pour la bloquer. »

C’est la même raison qui a mobilisé Olivier Bruel, 50 ans, pour ce scrutin. Graphiste à Montréal depuis 18 ans, il a mis une heure à voter dans l’après-midi, au lieu de 2 h 30 au premier tour. « Je suis sous le traumatisme de Trump au pouvoir et de la présence de Marine Le Pen au second tour », avoue-t-il. Sa crainte ? Que la plus grande rapidité pour voter à Montréal cache « un taux de participation décevant ».

Cinq circonscriptions consulaires au Canada

Le Canada compte cinq circonscriptions consulaires (Montréal, Québec, Toronto, Vancouver, Moncton) mais celle de Montréal est la plus importante en nombre d’électeurs. Dans cette dernière, au premier tour, Emmanuel Macron (En marche !) avait remporté 36,09 % des suffrages, contre 29,64 % pour Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise), 13,83 % pour François Fillon (Les Républicains), 9,42% pour Benoît Hamon (Parti socialiste) et 6,36 % pour Marine Le Pen (Front national).