Un manifestant lors de la Marche du climat des peuples, près de la Maison Blanche, à Washington, le 29 avril 2017. | JOSHUA ROBERTS / REUTERS

A Bonn, en Allemagne, où s’est ouverte lundi 8 mai la session annuelle de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), les délégués des 196 Etats membres ont décidé de faire bloc. Face aux mauvaises nouvelles distillées par la science (réchauffement planétaire ininterrompu, montée des eaux plus rapide que par le passé, intensification des catastrophes naturelles, etc.), face aux menaces américaines de s’extraire du cadre multilatéral de l’Accord de Paris, face aux incertitudes financières qui pèsent sur les pays en développement, les négociateurs s’efforcent de convaincre – de se convaincre – que la dynamique enclenchée pendant la COP21, fin 2015, ne faiblit pas.

La victoire d’Emmanuel Macron à l’élection présidentielle apparaît, dans ces conditions, comme une lueur d’espoir. « J’ai la conviction que le nouveau président français va donner une impulsion forte [aux négociations sur le climat] », assure la directrice du programme climat du think tank américain World Ressources Institute, Paula Caballero. Le sommet du G7, fin mai, sera le premier moment important pour la France d’afficher son leadership. »

Au même moment, quelque 200 grands investisseurs, représentant 15 000 milliards de dollars d’actifs, ont publié le 8 mai une lettre adressée aux pays du G7, invitant les gouvernements à agir pour respecter l’Accord de Paris.

L’élection présidentielle française offre une « immense opportunité d’insuffler de l’énergie dans le processus de discussion », veut croire Simone Borg, au nom de la présidence maltaise de l’Union européenne. De l’énergie, les 197 délégations de la CCNUCC vont en avoir besoin, jusqu’à la fin de la session de Bonn, jeudi 18 mai, pour mener à bien leurs travaux.

Mesures opérationnelles

« De nombreux dossiers d’ordre technique et pratique sont au menu de cette session », concède Patricia Espinosa, la secrétaire exécutive de l’institution onusienne basée dans la cité rhénane. Sur un plan plus global, il s’agit d’avancer sur le « rule book », autrement dit sur le manuel de mise en œuvre de l’Accord de Paris, que la communauté internationale a convenu, lors de la COP22 de Marrakech, de formaliser d’ici décembre 2018.

Entré en vigueur pendant la conférence marocaine de novembre 2016, ratifié à ce jour par 144 Etats, l’accord diplomatique scellé à Paris pour limiter la hausse de la température moyenne « bien en deçà de + 2 °C » et « si possible à + 1,5 °C » par rapport à l’ère industrielle, doit désormais se décliner en mesures opérationnelles.

Les délégués, plongés pour deux semaines dans la bulle des négociations, tenteront de se mettre d’accord sur le contenu du « dialogue facilitateur » programmé en 2018, conçu comme un bilan intermédiaire des trajectoires des pays (un bilan mondial est prévu en 2023). Certains pays, notamment la Chine, premier émetteur mondial de gaz à effet de serre, pourrait profiter de cette étape de 2018 pour relever ses objectifs de lutte contre le réchauffement, et inviter ses partenaires à réviser, eux aussi, leurs ambitions climatiques. Les engagements actuels des pays conduisent à une hausse de 3 °C du thermomètre mondial.

Dans l’intimité des réunions informelles de Bonn, dont sont exclus les médias, les délégués rouvriront aussi l’un des dossiers les plus lourds des négociations : la comptabilisation des financements climat. « Les finances, c’est la colle qui maintient dans la discussion toutes les parties prenantes », ironise Brandon Wu, de l’ONG américaine Christian Aid. Car la promesse, émise en 2009 à Copenhague, par les pays développés de mobiliser au moins 100 milliards de dollars par an d’ici 2020 en direction des pays du Sud fragilisés par le dérèglement climatique n’est toujours pas honorée.

Dans une expertise publiée en octobre 2016, l’OCDE avançait le chiffre de 67 milliards annuels d’aide publique déjà sur la table. Selon la part variable de l’apport du secteur privé, ces flux financiers pourraient atteindre entre 77 milliards et 133 milliards de dollars en 2020, évaluaient alors les experts de l’OCDE.

Doute sur la contribution américaine

Cette bataille de chiffres est décisive pour de nombreux pays en développement, pour lesquels l’argent nécessaire au financement de l’expertise technique et des plans d’action climat, fait défaut. Elle prend une tournure criante plus encore cette année avec la nouvelle administration en place à Washington. Donald Trump a prévu de baisser drastiquement les contributions financières des Etats-Unis à plusieurs organes multilatéraux, dont la CCNUCC ou le Fonds vert pour le climat, que Washington devait abonder à hauteur de 3 milliards de dollars (le fonds a reçu jusqu’ici un milliard de l’administration Obama).

Un autre enjeu de la session de Bonn sera de poursuivre les discussions démarrées à Marrakech sur le fond d’adaptation. Issu du protocole de Kyoto, cet instrument financier, d’une enveloppe limitée (depuis 2010, il a contribué, à hauteur de 337 millions d’euros, au financement d’une cinquantaine de projets), n’en demeure pas moins une manne à laquelle les pays du Sud souhaiteraient accéder plus facilement.

De son côté, le secrétariat de la Convention-cadre compte interpeller les Etats donateurs sur les impératifs budgétaires liés à la prochaine conférence climat, organisée en novembre à Bonn, sous présidence fidjienne. Premier petit Etat insulaire à piloter une COP, Fidji ne peut se passer du soutien matériel et logistique de la CCNUCC. Consciente des « enjeux financiers domestiques » de nombreux pays membres, Patricia Espinosa ne désespère pas de trouver « l’équilibre délicat » qui permettra de financer la préparation et le bon déroulement de la COP23.