Les Français célèbrent leur victoire (5-1) contre la Finlande, dimanche 7 mai à l’AccorHotels Arena de Paris. | GRIGORY DUKOR / REUTERS

Il n’y a pas que le foot ou l’élection présidentielle dans la vie. Désormais que celle-ci a rendu son verdict, un peu d’attention va peut-être se porter sur les championnats du monde de hockey sur glace, le plus rapide et excitant des sports collectifs, avec son compromis diabolique entre dextérité et brutalité.

Pour les spectateurs, c’est une première occasion de voir à Paris les stars de la NHL, du moins celles qui ne sont pas retenues par les play-offs de la Ligue nord-américaine, et celles de la KHL, son pendant eurasien. Et, pour ne rien gâcher au plaisir, l’équipe de France a été fidèle à sa réputation de splendide irrégularité.

Après avoir magistralement raté leur entrée dans la compétition en s’inclinant (3-2) samedi face à leur bête noire norvégienne – qui les a privés de Jeux olympiques 2018 –, les hommes de Dave Henderson ont corrigé le tir le lendemain par un exploit retentissant et historique : pour la première fois, ils ont battu en compétition officielle la Finlande, troisième nation mondiale et finaliste de l’édition 2016, sur un score vertigineux, 5-1.

Les deux pays-hôtes font honneur au privilège qui leur a été octroyé. Dès vendredi, l’Allemagne, qui reçoit à Cologne le groupe A, avait crée la première surprise en disposant des Etats-Unis (2-1), avant de lourdement s’incliner (7-2) face à la Suède. Dans le groupe B, les Français ont opté pour l’inverse, le haut après le bas. La défaite initiale pouvait laisser présager que leur objectif se limiterait à éviter une relégation (réservée au dernier) dans le groupe B en affrontant les six autres équipes. La résurrection face aux Finlandais relance le rêve d’une qualification pour les quarts de finale, déjà atteinte en 2014 à Minsk. En moins de 24 heures s’est déjà manifestée la cyclothymie française, avec passage brutal de la déprime à l’euphorie.

« On s’en fout de contre qui on va jouer »

Une Marseillaise a suivi la victoire française contre la Finlande, comme de rigueur pour le pays vainqueur. | GRIGORY DUKOR / REUTERS

Dans un Palais omnisports reconverti en patinoire et chauffé à blanc, La Marseillaise a pour la première fois retenti dimanche après-midi – seul l’hymne du vainqueur est joué en hockey, à l’issue du match – alors que bon nombre des 11 500 spectateurs consultaient nerveusement leur portable pour connaître les estimations belges du second tour de la présidentielle française. Ils l’ont délaissé pour chanter et acclamer leurs héros : les attaquants Pierre-Edouard Bellemare et Antoine Roussel (auteur d’un doublé), et surtout le gardien Florian Hardy, qui a réalisé pas moins de 42 arrêts. Alors que le public contestait la distinction et scandait le nom de Hardy, Bellemare a d’ailleurs refusé la récompense de meilleur joueur de son équipe et a obtenu qu’elle soit remise au futur portier des Ducs d’Angers, titularisé alors que le doyen Cristobal Huet, 41 ans, avait été mis au repos.

Ruisselants à leur sortie de la glace, les Bleus n’en revenaient pas du tour qu’ils venaient de jouer à l’un des favoris. « On est vraiment lancés, c’est incroyable !, s’enflammait l’ailier Damien Fleury. On savait qu’on était capable d’accrocher une grosse nation et qu’ils étaient prenables. Mais de là à les battre 5-1... » « C’est pour nous une énorme victoire, se félicitait avec gravité Dave Henderson, sélectionneur des Bleus depuis 2004. J’ai de la fierté pour mes joueurs qui ont fait des sacrifices. On a joué les 60 minutes comme si c’était la dernière, à fond et avec discipline. Ce sont des guerriers. Je ne peux pas citer aujourd’hui un joueur sans dire qu’il a bloqué un lancer, et ce ne sont pas des lancers de poussin ou benjamin... » La victoire s’est probablement dessinée quand les Français, en double infériorité numérique (trois joueurs de champ contre cinq) pendant près de deux minutes, n’ont rien concédé.

L’attaquant des Dallas Stars Antoine Roussel se déclarait, lui, « pas surpris » par ce résultat car « on a un bon groupe et les gars vont de meilleur en meilleur ». De son côté, le ténébreux Pierre-Edouard Bellemare, autre pensionnaire de la NHL aux Philadelphia Flyers, gardait la tête froide : « Il va falloir qu’on soit honnêtes avec nous-mêmes. En fait, on s’en fout un peu de contre qui on on va jouer sur la glace. Ce qui compte, c’est d’être impeccable défensivement ». Et de ne pas concéder ces pénalités qui ont plombé le deuxième tiers-temps contre les Norvégiens et réduit à néant les deux slaloms ponctués de buts de Stéphane Da Costa, malade dimanche.

Cors et cloches attendus à Bercy

Il faudra apporter la preuve de cette discipline dès mardi 9 mai pour le troisième match, contre la Suisse, 7e au classement de l’IIHF, la fédération internationale (la France est 14e). Cette sélection avait atteint la finale du Mondial en 2013. Cors et cloches devraient être de sortie, la délégation helvétique étant une des plus étoffées à Paris, avec la finlandaise, munie de ses casques à cornes, et la tchèque, qui pavoise les panneaux publictaires de ses étendards.

Après s’être débarrassés des Slovènes aux « tirs de fusillade » (alors qu’ils menaient 4-0 dans le premier tiers), les joueurs de Patrick Fischer se sont épargnés toute frayeur contre les Norvégiens (3-0).

Pour avoir l’honneur de disputer un quart devant leur public, donc finir au moins quatrième sur huit, les Français devront sans doute remporter encore trois victoires. « On sait que pour gagner, on ne va pas surclasser en finesse et en technique, convient Dave Henderson. Il nous faut travailler sur tous les palets et ne jamais lâcher ». Les deux premiers résultats ont en tout cas confirmé ce qui s’était pressenti lors des matches de préparation : les Bleus peuvent battre n’importe qui et tout le monde peut les battre.