La presse internationale avait les yeux rivés sur la France, dimanche 7 mai. De nombreux journalistes ont été envoyés sur place pour prendre la température, et certains médias, comme la BBC et le New York Times, ont alimenté des « live » tout au long de la journée. En raison de son impact à l’échelle européenne et du message politique envoyé, la victoire d’Emmanuel Macron a fait couler beaucoup d’encre.

Nombre de médias ont accueilli ce résultat comme « un soulagement », à l’instar du quotidien allemand de gauche Tageszeitung, du New York Times et du Sydney Morning Herald, qui écrit que « la France vote pour l’optimisme ».

Pour le quotidien new-yorkais, qui est revenu sur l’affaire des cyberattaques visant Emmanuel Macron, « la défaite [de Marine Le Pen] montre de nouveaux signes que la vague populiste, qui a entraîné la sortie de la Grande Bretagne de l’Union Européenne et l’avènement de Donald Trump à la Maison Blanche, semble avoir atteint son pic, pour l’instant. »

L’échec du populisme

L’exception française est alors martelée par les médias internationaux. C’est le cas du journal espagnol El País, qui y voit un message : « La France a dit non. La victoire d’Emmanuel Macron à l’élection présidentielle, un pro-Européen et un ex-banquier libéral, a contenu la vague du mécontentement populiste qui a triomphé en novembre à l’élection présidentielle américaine et avant le référendum britannique. » Le quotidien espagnol titre lundi : « La France met en déroute le radicalisme. »

Du côté de la presse britannique, l’accueil est davantage mitigé. Alors que la première ministre Theresa May a rapidement félicité le pro-européen Emmanuel Macron, le Daily Telegraph y voit un « nuage sur le Brexit ». Le Daily Mail a, lui, choisi de faire l’impasse sur cette information en « une ».

L’élection était également particulièrement suivie outre-Atlantique, explique le site politique spécialisé Politico. Pour lui, cette victoire envoie un message fort, car elle représente « un troisième échec d’affilée pour les partis populistes européens ». « La France était le plus important test électoral de 2017. » Le site rappelle alors la prochaine échéance électorale cruciale pour la France, à savoir les législatives.

Pour la chaîne CNN, cette élection a offert un exemple de « la manière dont les démocraties sont supposées fonctionner. Les partis populistes (…) restent à la marge. » Le média met en exergue les similarités entre les campagnes américaine et française, en expliquant tout de même qu’« Emmanuel Macron est un meilleur candidat que Hillary Clinton ». CNN accuse alors les « interférences du Kremlin », d’avoir essayé d’influencer les deux élections.

Des réserves sur le futur

Pour le quotidien allemand conservateur Frankfurter Allgemeine Zeitung, « l’Europe évite le cauchemar ». Toutefois, le journal reste mesuré en expliquant qu’elle « ne doit pas se faire d’illusions pour autant ».

Une mise en garde qui est répétée dans les colonnes du journal britannique The Guardian. Il considère que même si la France « a échappé à une crise cardiaque », l’Europe ne doit pas se réjouir trop vite. « Si l’Europe ne change pas sa direction, ça [cette élection] aura seulement eu l’effet de repousser le jour fatidique », souhaitant « bonne chance » au nouveau président. Le quotidien s’inquiète notamment du niveau record de l’extrême droite, soit plus d’un tiers des suffrages exprimés.

La « une » du Guardian, lundi 8 mai. | DR

Le quotidien belge Le Soir se projette déjà dans l’après, titrant « Pour Macron, tout commence ». Considérant la France comme un « gigantesque laboratoire politique », l’éditorialiste Béatrice Delvaux affirme que le candidat d’En marche ! va devoir « apaiser, convaincre, conquérir et rassembler » au plus vite. Elle en profite pour faire passer « un petit message » : « Le président Macron ne vivra qu’un été si l’Europe continue à regarder les inégalités se creuser. »

Un président singulier

A l’international, de nombreux médias mettent en avant le profil singulier du candidat, un « outsider » inconnu quelques années auparavant, en dehors des partis traditionnels, et âgé de 39 ans, ce qui en fait le plus jeune président de la Ve République.

Le candidat d’En marche ! est ainsi présenté comme « un homme neuf » par le journal suisse Le Temps : « Emmanuel Macron a réussi son pari insensé. Au-delà du niveau de l’abstention, de la radicalisation des extrêmes à droite comme à gauche et du délitement des partis traditionnels, l’enseignement principal de ce 7 mai est que la France s’est choisi un homme neuf pour entamer sa transformation. »

Certains journaux s’attardent sur sa femme, Brigitte Trogneux. Le journal argentin Clarin la présente comme « la Michelle Obama de France ».

Cette singularité fait entrevoir un renouveau politique. Au Chili, La Tercera a analysé le discours du candidat victorieux comme « une volonté de renouvellement de la vie publique ». Abondant dans ce sens, le journal en ligne russe Gazeta.ru souligne que le nouveau président « devra répondre à la demande de changement, ne luttant pas tant contre un programme conservateur que contre les attentes négatives et le risque de déjà-vu ».

Tout en revenant sur la percée du Front national, la Tribune de Genève affirme que « cette victoire d’un candidat hors parti est inédite » et que sa trajectoire est « purement extraordinaire ». « Emmanuel Macron est le candidat d’un mouvement qui se veut au-dessus des clivages habituels – il se dit de gauche et de droite – et qui est né il y a tout juste treize mois », rappelle le journal. Mais malgré son résultat, il considère qu’« Emmanuel Macron, avec un vote d’adhésion estimé à 42 %, est le moins solide des présidents élus ».

Face à cette issue sur laquelle peu d’analystes auraient parié au début de la campagne présidentielle, le correspondant français du quotidien israélien Haaretz tire cinq leçons, que sont « ne pas avoir peur d’être condescendant avec les votants », « ne pas parler de terrorisme », « être déterminé », « être nouveau », « ne pas essayer de copier les candidats victorieux des autres pays ».

Toutefois, le plébiscite n’est pas unanime. Le quotidien russe Komsomolskaïa Pravda se montre particulièrement critique à l’égard du nouveau président français. « Ils ont mérité Macron », titre le tabloïd Komsomolskaïa Pravda. Les Français se sont choisi un Macron en caoutchouc, ils vont subir l’enfer de la mondialisation. » A quelques heures des commémorations du 9 mai, qui célèbrent la victoire de la seconde guerre mondiale en Russie, le quotidien assène : « Ils ne méritent pas cette démocratie que des millions de soldats soviétiques ont payée de leur vie. »