Un atterrissage de l’avion de transport militaire d’Airbus A400M lors du salon aéronautique de Berlin (ILA) à Schönefeld, au sud de la capitale allemande, le 1er juin 2016. | Fabrizio Bensch / REUTERS

La série noire continue pour l’A400M, l’avion de transport militaire d’Airbus. Selon l’agence Reuters, un rapport confidentiel du ministère allemand de la défense estime qu’il faudrait 12 à 18 mois supplémentaires au constructeur pour résoudre les problèmes techniques de l’appareil. « Etant donné le sous-financement du programme et les demandes attendues liées aux pénalités de retard, Airbus ne fera pas les investissements nécessaires pour réaliser les améliorations requises », écrivent les auteurs de ce rapport, dont le contenu a été révélé lundi 8 mai. Ils concluent que « l’utilisation opérationnelle de l’avion est de ce fait menacée. » Cela concernerait le largage des parachutistes et les systèmes d’autoprotection du gros-porteur.

Le directeur de la division Airbus Defence and Space Dirk Hoke a réagi en affirmant avoir « fait des progrès » sur ces points. Il a précisé que des discussions « très constructives » étaient engagées avec les pays clients européens.

Ce constat de Berlin intervient alors que, à la demande d’Airbus, des négociations ont été engagées fin mars avec l’Allemagne, la France, l’Espagne, le Royaume-Uni, la Turquie, la Belgique et le Luxembourg pour d’éventuels assouplissements du calendrier de livraison, les rétentions de paiements, voire les spécificités des appareils. Un mois auparavant, le patron d’Airbus, Tom Enders, avait tiré la sonnette d’alarme, en annonçant une provision de 2,2 milliards d’euros consécutive aux difficultés de l’A400M. Il demandait alors aux pays acheteurs de participer à l’effort pour stopper l’hémorragie.

La première rencontre s’est soldée par un refus. Pas question de revoir le contrat. Une nouvelle réunion est prévue en juin pour ce programme, le plus important lancé par l’Europe dans le domaine militaire, qui accumule les déboires depuis quatorze ans. Les retards de toutes sortes ont fait déraper les coûts : 28 milliards d’euros aujourd’hui contre 20 milliards prévus pour 174 avions répartis entre les sept pays.

Problèmes en cascade

L’origine des difficultés tient à la conception même du programme. Au début des années 2000, pour décrocher ce contrat face aux C17 de Boeing et aux C130J Super Hercules de Lockheed Martin, Airbus proposait un appareil entièrement nouveau, à un prix nettement moins élevé que ses rivaux américains, deux fois moins coûteux, par exemple, que le C130J. Il acceptait toutes les options demandées. Pour répondre aux demandes des pays, l’avionneur s’engageait à le réaliser dans des délais très courts, à peine six ans et demi contre dix à quinze ans nécessaires d’ordinaire pour ce type de programme militaire.

Le juste retour industriel cher aux Européens n’a fait qu’aggraver la situation. Ce dispositif permet aux pays de participer à la production de l’appareil proportionnellement à leur apport financier. Sans en avoir forcément les compétences techniques, d’où les problèmes en cascade.

Les deux principaux acheteurs, la France et l’Allemagne, avec chacun une cinquantaine d’appareils commandés, sont les plus offensifs. A Paris, le ton est monté d’un cran durant l’année 2016. A l’époque, un seul A400M, sur les huit reçus, pouvait voler, les autres étant cloués au sol en raison de l’usure trop rapide de la Propeller Gear Box, une boîte de vitesses entre la turbine et l’hélice, qui permet de démultiplier la puissance du moteur. Impossible de voler plus de vingt heures et donc de faire un aller-retour au Mali. Le ministre de la défense Jean-Yves Le Drian avait rappelé sèchement que la France faisait la guerre tous les jours. Il était inadmissible que les A400M ne possèdent pas les spécifications prévues dans le cahier des charges, comme l’équipement en systèmes d’autoprotection contre les missiles à courte portée ou la capacité de larguer des parachutistes par les portes latérales. Les turbulences causées par les hélices les projettent trop vite vers la dérive de l’appareil.

Un premier obstacle a été levé à la fin de l’année 2016. L’avion peut désormais voler 650 heures avant son premier contrôle, contre 100 auparavant, et être révisé ensuite toutes les 150 et non plus toutes les 20 heures. Les appareils ont progressivement acquis les spécificités techniques demandées. Paris en a reçu onze et quatre autres devraient être livrés d’ici fin 2018. Mais les relations sont plus tendues avec l’Allemagne. Selon l’armée de l’air, un seul de ses huit A400M pouvait voler au début de l’année.