Difficile de faire plus contrasté que la programmation mode des musées parisiens. Alors que le Palais Galliera accueille le vestiaire de Dalida, Olivier Saillard, son directeur, offre au Musée Bourdelle un dialogue entre la statuaire des lieux et des œuvres entièrement noires du couturier Cristobal Balenciaga. Et c’est dans une lecture en miroir que ce contraste est le plus intéressant.

Manteau du soir en velours de soie Balenciaga, hiver 1952. | Pierre Antoine

D’un côté, une histoire de chair et de gloire : l’exposition Dalida est une plongée chronologique dans une vie et une carrière, dans l’histoire de la mode aussi des années 1950 aux années 1980. Ceux qui n’attendaient qu’un focus complaisant sur une tranche de vie saupoudrée de paillettes ressortiront déçus. Ce vestiaire, don au Musée Galliera du frère de la star, raconte une histoire nuancée avec les robes façon New Look (taille fine, jupe évasée, cotons fleuris) et les débuts d’une jeune fille brune. Les robes colonnes des premières scènes souvent signées Loris Azzaro et Pierre Balmain sont plus familières que les expériences mode de Dalida « à la ville », soit le meilleur et le pire des psychédéliques années 1960.

La grande cape à volants roses qui symbolise le grand cirque des variétés télévisées, les cuirs épaulés de Jean-Claude Jitrois, l’ensemble mandarine porté en 1981 pour l’investiture de François Mitterrand, les imperméables Saint Laurent Rive gauche de la dame de Montmartre, les accessoires soigneusement conservés (des lunettes de soleil strassées aux ceintures en métal ouvragé à l’orientale) : chacun retrouve au fil des salles ses souvenirs personnels de la star et les vestiges pas si superficiels de la vie derrière les paillettes. Ici la mode et la célébrité se conjuguent déjà, rappelant que ce mélange très XXIe siècle n’est finalement pas si neuf.

Plumes d’autruche, franges en bandes plastique irisée, satin de fibres mélangées, strass en cristal..., tenue de scène de Dalida de 1980. | Julien Vidal/Galliera/Roger-Viollet

Au Musée Bourdelle, on est loin de cette pop-culture. Les œuvres d’Antoine Bourdelle conversent en silence avec celles d’un contemporain : le couturier espagnol Cristobal Balenciaga, dont les talents de sculpteur de silhouettes sont mis en valeur par le noir qui habille toutes ses silhouettes. Dans l’ancienne demeure et atelier de l’artiste français, les parquets craquent sous les pas, on chuchote en soulevant un rideau-linceul qui protège une tenue fragile des rayons du soleil. Ces « robes-vampires » qui absorbent la lumière pour livrer à l’œil une forme sculpturale géométrique ne sont jamais ausi à l’aise que dans les salles ombragées.

Les étoffes se disputent les meilleurs effets : les velours noirs, denses et austères, les gazars de soie dont on imagine les craquements. Les ténèbres des églises d’Espagne se devinent dans les lignes racées de ces tenues autour desquelles on tourne religieusement. Et on est presque contrarié quand un ruban de satin couleur poudre vient troubler cette atmosphère recueillie, cette ode au noir. Elitiste et cultivée, cette mode n’est pas moins pertinente que l’époque glamour de Dalida. Il ne faut se priver ni de l’une ni de l’autre.

« Dalida, une garde-robe à la ville et à la scène », jusqu’au 13 août, Palaisgalliera.paris.fr ; « Balenciaga, l’œuvre au noir », jusqu’au 16 juillet, Bourdelle.paris.fr